Virtual Insanity

Alien She (Her Story)

Her Story
© Sam Barlow

« Un homme a disparu. Sa femme est interrogé par la police. Sait-elle quelque chose? L’a-t-elle tué? »

C’est sur ce pitch tout simple que s’ouvre cet excellent jeu qui en appelle plus à votre esprit qu’à vos réflexes.
Tout le paradoxe vient du fait que Her Story est entièrement en Full Motion Video.

Pour rappel, le FMV est probablement l’un des types de jeu les plus décriés.
Se piquant de cinéma, les développeurs ont créé cette technique de « films interactifs » qui a connu principalement son essor sur les vieux PCs asmathiques des années 90.
Problème, entre un budget souvent cheap, des acteurs semblant recrutés au coin de la rue et un gameplay ultra-rigide, les jeux en FMV (à quelques exceptions près) relèvent de la torture.
L’amateur de Z peut néanmoins y trouver son compte avec quelques jeux qui ressemblent à un assemblage de films roses du dimanche soir de M6, jeux et looks d’acteurs dignes d’AB Productions, dialogues semblant avoir été récupérés dans les bandes de doublage des pornos des années 80 et « réalisateurs » dont le… ahem… « talent » n’a rien à envier à Tommy Wiseau.

Et pourtant, en 2015, Sam Barlow décide de remettre le FMV au goût du jour avec ce Her Story sorti en indépendant.
Plus qu’un jeu, c’est une expérience difficilement descriptible en soi mais totalement enthousiasmante et qui prouve qu’on peut pondre un grand jeu avec peu de moyens, un système ultra-simple et beaucoup d’imagination.

Her
© Sam Barlow

Avec juste une interface équivalent à celle que vous utiliseriez sur un vieil ordinateur, vous devez parcourir la base de données de la police afin de reconstituer les vidéos des différentes séances d’interrogatoire grâce à un système de mots-clefs.
Et rien qu’avec cela on entre dans une histoire totalement envoutante et addictive ayant un petit côté « lynchéen » qui va mettre à mal vos méninges et vos sentiments.
Très vite le joueur commence à échafauder mille et une théories, rejoue certaines vidéos afin de relever certains détails qu’il ne jugeait pas important jusque là et/ou pour les recouper avec d’autres.
Il convient ici de saluer la performance d’actrice de Viva Seifert, ex-gymnaste et musicienne de la scène indie anglaise, tant le jeu entier repose complètement sur ses capacités qui transment doute, agacement, suspicion, empathie, compassion… chez le joueur.
Autant dire que sa récompense pour son rôle est amplement mérité.

Le jeu donne des sentiments étranges au joueur dont j’ai l’impression qu’ils doivent réellement exister chez ceux qui enquêtent.
Il y a cette sensation de travail de fourmi, cette frustration par moment, cette nécessité du détail mais aussi des sentiments moins communs comme celui d’être dans une position très voyeuse et inconfortable tant il faut creuser dans la vie très intime des gens et poser des questions qu’on évite habituellement en société (et même dans le cadre intime d’ailleurs) afin de toucher à la vérité.

interface
© Sam Barlow

Tout l’intérêt, outre l’aspect Cluedo évident, tient dans le lien qui se développe petit à petit entre la suspecte et le joueur/enquêteur.
Au fur et à mesure de la dizaine d’heures que nécessite le jeu, on se retrouve confronté à son propre sens moral. Si elle est bien coupable, est-ce que les circonstances atténuent sa responsabilité? Un crime peut-il trouver une justification? Et si elle est innocente, est-ce bien nécessaire de la forcer à dévoiler toute son intimité? A la pousser dans ses derniers retranchements?
L’objectivité que nécessite le travail d’enquêteur est mis à rude épreuve et c’est sur ce point que se construit une véritable narration interactive entre elle et vous, voire simplement juste avec vous-même, plus que dans le gameplay qui n’est au final que l’outil, le support de ce dialogue interne.

Un seul conseil indispensable: se munir d’un stylo et de papier afin de garder le fil des mots clefs (certains viennent par rafales dans certaines vidéos) et des dates et heures. Sans ça, on risque de se retrouver très vite perdu (Les sous-titres aident bien aussi pour ceux qui ont des difficultés avec l’anglais oral).
Passez donc l’aspect délicieusement suranné et voulu de l’interface graphique (welcome back Windows 95) et jetez vous sur ce jeu au prix plus que modéré et disponible sur ordinateurs et téléphones portables.

Une très bonne claque prouvant que n’importe quel type de jeu peut avoir un intérêt et participer au développement de la narration vidéoludique dès lors que l’on trouve la bonne idée!!

2 réflexions au sujet de “Alien She (Her Story)”

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