Graphic Nuggets, Marvel Graphic Novels, Trans-America-Express

Star Slammers (Walter Simonson)

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©Walter Simonson

Début de cette semaine « science-fiction, vaisseaux spatiaux et pixels » avec ce creator owned (quasi-)intégralement réalisé par Walter Simonson.
Plus encore qu’un creator owned, les Star Slammers sont à Simonson ce que Youngblood est à Rob Liefeld et ce que Savage Dragon est à Erik Larsen, un vestige des rêves d’enfant de son auteur.

Il faut tout d’abord revenir sur le parcours de l’homme à la signature en forme de brontosaure pour mieux comprendre la place qu’ont les Star Slammers dans son œuvre.
Walt Simonson était étudiant en géologie lorsqu’il tomba dans le bain des comics Marvel des 60s, subjugué qu’il fut par les dessins de Gene Colan, John Buscema, Steve Ditko et surtout Jack Kirby.
Une fois son diplôme en poche, il décide d’abandonner son projet d’étudier les dinosaures et s’inscrit dans une école d’art afin de se consacrer intégralement à son autre amour, le dessin.

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©Walter Simonson

C’est à ce moment là que naissent les Star Slammers qui sont, dans leur première version, un comic book de 50 pages constituant la thèse de fin d’études de Simonson.
C’est d’ailleurs avec ce premier essai sous le bras qu’il s’en va postuler chez DC où il se lie d’amitié avec Howard Chaykin, Bernie Wrightson et Mike Kaluta.
C’est ce dernier qui obtient de l’editor-in-chief Carmine Infantino de donner son premier travail travail professionnel à Simonson.

Durant les 70s, le dessinateur fait ses classes chez DC, plus des travaux ponctuels chez d’autres éditeurs, et plus particulièrement dans le sillage d’Archie Goodwin qui permet de révéler une première fois le talent de Simonson au grand public au travers du serial Manhunter (une sorte de Batman inversé) alors publié dans les pages de Detective Comics.
C’est véritablement avec Manhunter que le dessin de Simonson se met à murir, l’auteur ne cessant d’évoluer dès lors à pas de géant et se mettant à maîtriser les différentes facettes de la réalisation d’un comic book à vitesse grand V jusqu’à le mener à l’énorme succès de ses futurs Thor, qui égaliseront les ventes des X-Men durant le run de Simonson.

C’est d’ailleurs sur Thor que Simonson effectue son premier travail au long cours chez Marvel en 1977 (précédé de 3 numéros du magazine Rampaging Hulk).
Si ce premier travail n’est pas mauvais, il est encore trop respectueux de l’oeuvre de Kirby pour être réellement passionnant.
Mais encore une fois, l’ombre de son ancien projet d’étude décide de l’orientation de sa carrière.
Déjà, chez DC, les editors refilaient un maximum de projets estampillé « science-fiction » à un Simonson qui excelle dans ce domaine malgré son désir d’explorer d’autres genres.

Ainsi, durant une période s’étalant de 1978 à 1983, Walt Simonson devient le spécialiste des projets SF et des adaptations cinématographiques sur papier, trouvant dans ce domaine le terreau qui fera définitivement murir son style pourtant déjà bien impressionnant.
Il faut dire qu’on est alors en pleine folie Star Wars dont le comic book Marvel est en train de sortir l’industrie de la crise la frappant alors.
Du coup, tous les éditeurs se ruent sur les pitchs S-F et les adaptations de film dans l’espoir de rééditer ce succès.

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©Walter Simonson

Simonson commence par reprendre la série Battlestar Galactica afin de faire ses premières armes de scénariste.
Il signe ensuite pour Heavy Metal l’adaptation du Alien de Ridley Scott, son chef d’oeuvre pour beaucoup.
C’est sur Alien qu’il commence à s’intéresser aux possibilités graphiques du lettrage et de la typographie en rencontrant John Workman qui devient dès lors son letteur attitré.
Fort de ce succès, il se verrait bien ressusciter les Star Slammers dans le cadre du futur magazine Odyssey.

Ce projet n’aboutissant pas, le scénariste-dessinateur se charge successivement des adaptations de Rencontres du Troisième Type et des Aventuriers de l’Arche Perdue (dessins de John Buscema pour ce dernier) avant de passer sur la série qui lui permettra de toucher une plus grande audience, Star Wars.
Fort de ce dernier succès, Simonson revient finalement vers son vieux bébé et s’attelle à scénariser, dessiner et encrer le premier Graphic Novel des Star Slammers (même si l’auteur est incapable de se souvenir s’il reproposa le projet à nouveau où si c’est l’editor Al Milgrom qui revint vers lui).

Entre temps, il dessine le crossover X-Men-New Teen Titans qui lui permet d’acquérir une encore plus grande visibilité et de jouer avec les personnages de son idole Jack Kirby mais qui lui fait prendre du coup du retard sur son propre Marvel Graphic Novel, ce qui emmena aux aménagements de planning de la collection avec le reformatage des premiers épisodes des New Mutants pour ce format.
Star Slammers devient donc le 6ème album de la collection MGN et malgré un scénario léger (mais agréable) s’avère une pure tuerie graphique.

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©Walter Simonson

SPOILER ON
« Dans une galaxie lointaine, très lointaine… les habitants du Monde sont un peuple paisible qui pourraient vivre en paix si leur planète ne servait pas de terrain de chasse à l’homme au peuple décadent des Orions.
Sauf qu’un jour, un habitant du Monde fait preuve de courage et se rebelle en décimant un groupe d’Orions.
Seul un sénateur survit et enjoint son peuple à décimer ces primitifs qui pourraient constituer une menace.

Les Orions prennent alors la décision d’anéantir le Monde.
Chance pour les habitants du Monde, ce génocide demande une préparation de plusieurs années.
Conseillés par un Orion (qu’ils surnomment Grandfather) horrifié par les plans de ses congénères, ils décident de mettre ce temps à profit en adoptant l’identité secrète des Star Slammers.

Ils deviennent donc les meilleurs mercenaires de la galaxie et ne se font payer qu’avec les armes des vaincus afin de se constituer un arsenal qui pourra leur permettre de résister aux Orions.
Alors que la date fatidique approche, les Star Slammers doivent aussi percer le secret de leurs origines et du Mindbridge (sorte de connexion télépathique qu’ils peuvent effectuer entre eux) qui pourrait bien être leur seul chance de remporter la victoire finale. »
SPOILER OFF

 

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©Walter Simonson

Bref, le scénario n’est pas d’une folle originalité et aligne les poncifs du space opera post-Star Wars mais il est relativement agréable et sait ménager ses petits effets (l’origine des Star Slammers ou bien le destin d’un des trois héros) pour que le tout se laisse lire avec un plaisir certain.
Tout au plus, le premier tiers de l’histoire nécessite une attention soutenue de part la masse d’informations à assimiler et certaines ellipses un peu mal foutues avant que le récit s’envole enfin vers une conclusion épique.

Si Simonson prend son art très au sérieux, il ne cherche pas pour autant à réinventer la roue, à fournir un message ou à révéler les origines de l’univers.
Ce qu’il cherche c’est à se faire plaisir tout en fournissant le comic book le plus enthousiasmant pour son lecteur.
A cette époque, si on devait comparer à un de ses contemporains, ce serait Steven Spielberg.
Les deux partagent ce talent et cette exigence perfectionniste quand à la forme de leurs œuvres mais aussi ce même souci de s’amuser et de fournir de grand divertissement populaire afin de ressusciter l’enfant qui est en chacun.

Pour le reste, l’histoire se partage entre clins d’oeil à l’oeuvre du King (les Orions, le Grandfather et le Mindbridge renvoient aux New Gods et aux Eternals) et aux travaux précédents de Simonson (Star Wars pour la bataille finale et la relation entre Grandfather et le leader des Star Slammers; Battlestar Galactica pour certains aspects de l’intrigue générale) sans qu’ils ne viennent pour autant écraser le tout.
Si l’histoire est sympathique, elle est surtout un véhicule pour le superbe graphisme démesuré de Walter Simonson.

Comme pour le Elric de Craig Russell, on est véritablement dans le « Graphic » avec un dessinateur qui profite de ce format européen pour s’éclater et laisser rayonner son talent à la face au monde.
Simonson sait s’inspirer des plus grands sans s’enchaîner à eux pour fournir des planches tout à la fois superbes, puissantes, belles, folles, étranges, éclatées et exigeantes dans la mise en page tout en restant toujours d’une lisibilité exemplaire.

S’il vénère le King Kirby, Simonson n’essaie pas de le copier où de s’abriter sous cette ombre pesante comme peut le faire parfois un John Byrne.
Non, il a véritablement étudié Kirby pour en retirer la substantifique moelle et la faire sienne.
On y retrouve les même personnages massifs, la même puissance et énergie dans les pages, la même démesure dans les affrontements, la même folie dans les designs improbables tellement irréalistes mais pourtant tellement beaux… Du bigger than life à l’état pur.

Certes, cette influence est la plus visible et la plus avouée du dessinateur mais le réduire à un émule du King, aussi talentueux soit-il, serait une injustice au talent de Simonson.
Car on retrouve aussi chez lui le même art des physiologies mouvantes (mais cohérentes) afin d’accentuer l’expressivité des personnages que chez Colan ou bien encore cette science des perspectives tordues et de ces lignes étranges alternant rondeurs et « rectilignités » extrêmes dans un résultat pourtant parfaitement maîtrisée descendant directement d’un Carmine Infantino (qui fut son premier employeur, rappelons-le).

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©Walter Simonson

Cette période purement « science-fictionnesque » de Simonson permet aussi de voir tout ce qu’il est allé puiser chez Moebius, Philippe Druillet et toute l’école « Métal Hurlant » pour son sens du design et des décors.
Si l’on ajoute à cela ses coquetteries personnelles telles que les dinosaures et les armures japonaises, on tient un graphisme singulier qui a su aller puiser ce qui l’intéressait chez les plus grands afin de s’assurer sa place parmi eux.

La meilleure preuve de cet état d’esprit se trouve peut-être dans l’approche que fait Simonson de la mise en page et du story-telling puisqu’il révèle que sa plus grande influence dans la manière de dessiner des comics est….. Carl Barks !!!!
Plus encore que Kirby, Walt Simonson vénère Barks qu’il considère tout simplement comme le meilleur dessinateur ayant existé.

Si cette révélation peut surprendre au premier abord, elle fait finalement sens.
On retrouve chez les deux hommes le même humour et la même dérision dans leurs comics (sans que ceci ne les empêchent d’être sérieux), ce même souci de faire du divertissement intelligent mais sans complexes et cette même volonté d’assurer une lisibilité sans faille à leurs planches.

Simonson est parti des perspectives croisées de Barks et y a amalgamé ses autres influences afin de faire véritablement de la bande-dessinée, le but étant que le dessin serve l’histoire et ne soit pas une simple succession de pin-ups incohérentes.
Utilisant les corps et leurs mouvements pour guider le regard du lecteur, le dessinateur sait parfaitement composer ses cases et ses planches afin de faire ressentir le sentiment voulu et quand une splash page survient, elle n’est jamais injustifiée.

Même le lettrage de John Workman participe à cette mise en page.
Si habituellement, le lecteur ne prête que peu attention à cette partie d’une bande-dessinée, il est difficile de l’ignorer ici tant la paire Simonson-Workman s’appliquent à lui donner un rôle proéminent avec des caractères tout proprement « tonitruants » qui participent à l’immersion totale du lecteur tout en appuyant encore plus la direction vers laquelle le regard doit se diriger.

En clair, c’est une véritable bombe graphique qui fait qu’on passera amplement sur la légèreté du scénario tant le plaisir de lecture est jouissif, ce qui est après tout le but premier de n’importe quel comic book.
La petite surprise de cet album vient des talents insoupçonnés de coloriste de son épouse Louise Simonson et qui, ma foi, s’en sort parfaitement bien dans sa maîtrise des couleurs.

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©Walter Simonson

Contre toute attente, et alors que ce Graphic Novel laissait espérer une suite (même s’il se lit très bien comme une œuvre unique), Simonson ne reviendra qu’une seule fois sur son bébé.
Pourtant, l’auteur avait dans l’idée de suivre le modèle européen en composant une suite d’albums plus ou moins annuels.
Sauf que c’est à ce moment que Mark Gruenwald vient proposer au scénariste-dessinateur de reprendre Thor avec la promesse d’une liberté totale.
Et comme Walt Simonson marche aux coups de cœur, il saute sur l’occasion de travailler sur son personnage préféré d’une de ses idoles (pour notre plus grand plaisir).

Il ne reviendra qu’une seule fois dans le monde des Star Slammers pour une mini-série (se situant un millier d’années plus tard) publiée par le label Bravura de Malibu en 1994.
Malheureusement, c’est le moment où le marché des comics s’effondre et les lecteurs eurent déjà bien de la chance que les bonnes relations de Simonson avec Mike Richardson permirent de publier le dernier numéro chez Dark Horse.
Depuis, aucune nouvelle des Star Slammers, l’auteur semblant avoir tiré un trait dessus.

Si vous êtes amateurs de (très) beaux dessins ou simplement si vous voulez lire une bonne histoire divertissante, et même si ni le MGN ni la mini ne furent jamais publiés en France, n’hésitez pas à vous procurer un exemplaire des Star Slammers (surtout que bizarrement, il sont facilement trouvables et ne cotent pas trop cher).
Pour les plus gourmands, et les plus fortunés, vous pouvez vous dirigez directement vers l’intégrale VO publiée par IDW et qui reprend aussi les pages produites pour la fameuse thèse de fin d’année.

Pour le prochain MGN, nous reviendrons dans le cadre de l’univers Marvel tout en restant dans le domaine de la science-fiction.

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©Walter Simonson

2 réflexions au sujet de “Star Slammers (Walter Simonson)”

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