
Ce Marvel Graphic Novel est l’oeuvre de la star des seventies et co-créateur des All-New, All-Different X-Men : le regretté Dave Cockrum.
Fils d’un lieutenant-colonel de l’armée de l’air américaine, Dave Cockrum est né dans l’Oregon le 11 novembre 1943.
Il passe ainsi son enfance balloté au gré des missions de son père, expérience qu’il mettra à profit dans sa reprise de Blackhawk en parallèle de ce MGN, et se réfugie très jeune dans la lecture, en particulier celle de récits de science-fiction et des comics.
Dessinateur à ses heures, il développe une admiration sans faille pour les maîtres du Silver Age DC que sont Wally Wood, Gil Kane, Carmine Infantino, Joe Kubert et surtout pour Murphy Anderson.
Caressant l’ambition de devenir lui-même créateur de comics, il devient très actif dans le fandom (on retrouve beaucoup de ses lettres dans les revues DC et Marvel des sixties et il participa à de nombreux fanzines) et succombe aussi au charme des designs débridés de Jack Kirby.
Suivant d’abord la voie familiale, il s’engage dans la Navy durant 6 ans avant de revenir à ses premières amours.
Après un premier passage chez l’éditeur Warren, c’est son idole de toujours, Murphy Anderson, qui lui met réellement le pied à l’étrier en lui confiant les retouches et l’encrage de ses bandes de Superman et Superboy.
C’est justement Superboy qui lui donne l’opportunité de se faire connaître.
En effet, à cette époque, le comic de Superboy contient en back-up les aventures de The Legion of Super-Heroes qui est une sorte de série culte pour un petit nombre de geeks hardcore particulièrement actifs.
Quand la série perd son dessinateur, Cockrum saute sur l’occasion et déboule sous les projecteurs avec la fulgurance démesurée d’un météore en folie.
Il faut aborder là les caractéristiques du dessin de Dave Cockrum, artiste qui n’a pas son égal pour créer des designs totalement délirants et des costumes à la limite du ridicule mais instantanément classiques tant ils sont aisément identifiables et constituent un style à eux seuls (les bottes de pirates, les épaulettes pointues, les cuissardes assorties de ceintures en soie…).
Plus que la narration, l’ambiance ou la maîtrise de l’anatomie, c’est réellement ce sens du design qui est la marque du dessinateur qui se place juste derrière Kirby sur le podium pour le titre de « costumier suprême des super-héros ».
A ce talent pour les costumes et les appareils étranges, il faut ajouter une certaine qualité cinématographique à ses pages influencées par le cinéma de science-fiction, d’horreur et catastrophe des années 50 à 70 et qui renforce l’aspect immersif des comics qu’il dessine.
Et c’est ainsi que Cockrum, en compagnie du scénariste Cary Bates, devient une star du jour au lendemain en « revampant » totalement la Légion durant un peu moins de trois ans, faisant de son run un des classiques de la série dont le mariage entre Bouncing Boy et Duo Damsel (numéro 200) constitue le point d’orgue.
Ayant « redesigné » la quasi-intégralité de la Légion, en ayant fait le titre « hot » de DC et possédant certaines prétentions de créateur, Cockrum prend très mal certaines décisions de l’éditorial: il se voit refuser coup sur coup le retour de ses planches et la création de deux groupes censés enrichir l’univers de la Légion (les Outsiders et les Strangers).
Quelque peu énervé, le dessinateur prend ses dessins sous le bras, claque la porte et s’en va chez le rival historique, Marvel.
Et c’est peu de dire que Marvel se frotte les mains à l’idée d’avoir récupéré la star de son concurrent.
Profitant du statut de Cockrum et de ses qualités de designer, l’éditorial décide de relancer la série des X-Men en en faisant principalement, tout du moins au début, un véhicule pour les idées et dessins de Cockrum (all new, all different).
Réutilisant des éléments de ses Outsiders et ses Strangers, Cockrum crée 4 nouveaux personnages (Thunderbird, Colossus, Storm et Nighcrawler) et en « redesigne » d’autres (Cyclops, Wolverine et Marvel Girl qu’il transformera en Phoenix).
C’est peu de dire que c’est alors Cockrum qui a la main haute sur la série face au scénariste Chris Claremont.
Le premier arc militaire, l’atmosphère à mi-chemin entre film catastrophe et d’espionnage, le fantastique gothique en Ecosse, le space opera Shi’ar sous les influences croisées de la Légion et de John Carter (jusqu’au bateau de Xavier nommé Deja Thoris II), la primauté de Nightcrawler (personnage favori du dessinateur) sur les autres personnages…
Tout démontre le poids énorme de Cockrum sur la série durant ces premières années pendant que son compère scénariste fait ses classes (sans rien retirer au talent de Claremont, le cosmique c’est principalement du fait de Cockrum).
Toujours aussi soupe au lait, et pensant ne pas recevoir assez de reconnaissance de la part de Marvel dans le succès de la relance des X-Men, il quitte la série en plein milieu de la saga Shi’ar.
Pourtant, Marvel le traite relativement bien puisqu’il reste alors l’artiste principal en charge des couvertures de la compagnie et n’hésite pas à lui confier tel ou tel titre.
C’est néanmoins une période confuse pour Cockrum qui saute alors de série en série sans jamais se fixer.
C’est à nouveau Uncanny X-Men qui le remet sous le feu des projecteurs puisqu’il y retrouve son poste après le départ de John Byrne et le refus de Brent Anderson de dessiner la série.
Si Claremont, toujours aussi bon collaborateur avec ses dessinateurs, s’ingénie à faire plaisir à Cockrum (la saga des Broods évidemment, mais aussi l’arc catastrophe-espionnage avec Magneto..), il possède alors beaucoup plus de poids qu’auparavant sur la série et est considéré par Shooter comme le principal maître à bord du bateau X-Men (comme l’avait déjà appris Byrne).
A nouveau, le dessinateur prend la mouche et claque la porte de la série en plein milieu de la saga des Broods (décidément!) pour partir lancer sa propre série creator-owned où il pourra enfin être seul maître à bord.
Marvel, décidément soucieuse de garder dans son giron quelqu’un qui lui a fourni de belles pages (et pas mal d’argent aussi), propose à Cockrum de le laisser lancer sa série sous le label Epic en lui promettant toute lattitude.
Histoire de mettre les petits plats dans les grands, Shooter offre même au dessinateur la possibilité d’un lancement dans la prestigieuse gamme Marvel Graphic Novels.
Dave Cockrum accepte le deal et s’attelle à la création des Futurians.
Malheureusement, l’étoile du dessinateur est alors déjà en train de pâlir et Cockrum montre de plus en plus les limites de son talent.

« A la fin des temps, les deux dernières cités de la Terre, Terminus et Ghron Ghron, sont engagées dans une lutte sans fin jusqu’au jour où les habitants de Terminus découvrent que les Inheritors de Ghron Ghron décident de remonter le temps jusqu’au 20ème siècle non sans avoir auparavant utilisé une arme afin de transformer le soleil en géante rouge.
Afin d’assurer leur survie et de remporter le combat, les habitants de Terminus envoient des « graines » dans le passé afin de développer des pouvoirs dans une poignée d’élus ainsi qu’un des leurs pour mener le combat.
En 1980, alors que les Inheritors mettent leur plan de conquête en branle, le mystérieux Vandervecken regroupe les élus sous le nom de Futurians. »
Si ce Marvel Graphic Novel mis en couleur par la femme de Cockrum, Paty, n’est pas plus bête que n’importe quel autre récit d’origines d’un groupe de super-héros, un souci se pose très rapidement à la lecture.
En effet, tout dans cet album ressemble à un remix ou un recyclage d’éléments venus des précédentes séries sur lesquelles le dessinateur a travaillé (déjà, à l’époque, ses X-Men comprenaient énormément d’éléments venus de la Legion).
Outre le personnage de Silkie, prévue à l’origine pour X-Men (et c’est pas dit qu’il n’y en ait pas d’autres), tout ici renvoie aux mutants et à la Légion tels qu’ils étaient sous l’égide de Dave Cockrum.
Menace temporelle venue de la fin des temps, anneaux de téléportation, personnage cosmique surpuissant (Sunswift, véritable clone de Phoenix et de Binary) prise dans une relation tragiquement adolescente avec le leader du groupe, mentor télépathe, griffu énervé… jusqu’à la structure de l’histoire qui recopie celle de Giant-Size X-Men 1 et au sacrifice nécessaire d’un membre de l’équipe pour souder celle-ci (paye ton clin d’oeil à Thunderbird).
Au passage, le dessinateur semble avoir bien appris les leçons de Claremont et développe des relations soap au sein d’un groupe aux caractères simples mais suffisamment différents pour insuffler du dynamisme dans les interactions tout en plantant des sub-plots propres à titiller le lecteur (le passé commun mystérieux de Sunswift et d’Avatar).
On dénote aussi une forte influence Kirby dans le combat « secret » de ces deux races pour influencer le destin de l’Humanité et dans un sens certain de la démesure (New Gods, Eternals).
Pour le reste, c’est du Cockrum pur jus : space opera remplis de machines aux designs uniques, costumes délirants mais instantanément identifiables, approche « catastrophe » surdimensionnée et totalement angoissante (et que je t’explose la Lune sur la Terre, et que je t’annihile Manhattan à coups de météores…) et bases militaires secrètes avec un arsenal à faire palir d’envie Blofeld, D’enfer et Syndrom réunis.
C’est du comic book de slip pur jus et totalement boosté dans ce qu’il a de plus primaire et jouissif.
On notera au passage le nom du groupe, Futurians, qui montre une fois de plus l’amour de l’auteur pour la science-fiction puisque les véritables Futurians furent un groupe informel de fans et d’écrivains incluant entre autres dans leurs rangs des gens comme James Blish, Frederik Pohl ou encore Isaac Asimov.

Clairement, cet album montre les limites de l’imagination de Dave Cockrum qui s’avère ici incapable de faire plus, mieux ou différent de ses travaux précédents.
Si à cette époque John Byrne est le Steven Spielberg des comics, Cockrum en est le Georges Lucas tant il s’enferme dans sa propre gloire quitte à en perdre de son talent.
Si ce MGN est difficilement lisible passé un certain âge, ou pour le lecteur ayant suivi les X et les Légionnaires, il demeure une lecture plus que plaisante pour une jeune audience et sait charmer une partie du lectorat alors totalement accro aux combats manichéens (ceci n’est pas péjoratif) de dessins animés tels que He-Man ou Gatchaman, série qui entretient une certaine parenté avec les Futurians.
Malgré ces défauts, ou grâce à son charme enfantin, ce graphic novel des Futurians réussit à engranger suffisamment de lecteurs pour que Marvel propose à Cockrum de continuer la série sous le label Epic.
Malheureusement, le toujours aussi sanguin et possessif créateur préféra céder aux sirènes du marché indépendant et tira la mauvaise pioche en ramenant sa série dans le giron de l’éditeur Lodestone Comics.
Cette compagnie à la gestion assez malhabile a du mettre la clé sous la porte rapidement pour des histoires de copyright des THUNDER Agents qu’ils publiaient alors et le brave Dave ne put publier que 3 numéros de la série régulière des Futurians.
Un quatrième numéro produit de longue date fut publié en 1987 par Eternity Comics dans un TPB réunissant le GN et l’on-going.
Petit à petit, la série acquiert un petit statut culte et Cockrum réinprime l’intégralité de la série sous son propre label Aardwolf Publishings en 1995 et pense à produire la suite. Malheureusement, le succès s’avère trop modeste et la compagnie arrête les frais après les réimpressions.
Après le décès de Cockrum, le collaborateur de celui-ci sur ses dernières années, Clifford Meth tenta de convaincre la compagnie IDT Entertainment de produire un long métrage animé mais le projet finit à nouveau dans les limbes.
Le dernier signe de vie des Futurians est une mini-série mettant en scène le leader, Avatar, et parue dans une relative indifférence.
Tout ceci est bien triste pour la création de Dave Cockrum mais son nom était de toutes manières déjà entré au panthéon des auteurs de comics depuis bien longtemps pour son formidable rôle créatif auprès de la Légion et des X-Men.
Plus encore, l’influence de Dave Cockrum se fit grandement sentir chez Jim Lee.
Si l’admiration de Lee pour les X-Men de Cockrum n’est plus à démontrer tant ce dernier s’évertua à ramener les mutants sur le terrain du cosmique (la saga avec les Shi’Ar et les Skrulls), les deux hommes partageaient le même sens du design innovant qui marqua leurs époques respectives, les même prétentions créatrices, les mêmes carences scénaristiques et la série Wild C.A.T.S de Lee entretient d’étranges similarités avec les Futurians de Cockrum pour lesquels Lee a fourni plusieurs pin-ups lors de la reprise de 1995.
Pour ceux qui désireraient lire les aventures (inachevées) des Futurians, le graphic novel fut publié par Lug en VF dans la collection Top BD, sous le titre Les Justiciers du Futur, puis réédité (au format comics) avec les épisodes de la série régulière dans un magazine Futurians édité par Semic.
Si le récit peut paraître difficile à lire (vu qu’on a quasiment tous lu les X-Men du même auteur) et assez naïf de nos jours, il fera sûrement la joie des enfants dans votre entourage pour son sens du bigger than life et son imagination débridée.

Très bon article sur l’un de mes artistes favoris.
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Merci beaucoup, Eddy!
Cockrum n’est pas mon artiste favori mais je le considère comme un immense créateur de concepts et de personnages et son travail durant les 70s vole très très haut 🙂
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Très intéressant le rapport entre Jim Lee et Dave Cockrum. Pour le reste, je découvre la personnalité d’un artiste dont je n’appréciais pas le style, mais qui a effectivement marqué les X-Men comme le souligne ton article.
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