
Encore une histoire d’exclu, de clash culturel et de loser qui tente d’échapper à sa condition chez Ann Nocenti.
« Wheeler est un ancien membre de la garde du Wakanda venu s’installer à New York.
Mais Wheeler est surtout un accro au jeu qui entraîne sa famille dans sa chute.
Criblé de dettes mais ne sachant pas s’arrêter, il décide d’enfiler une dernière fois son costume afin de commettre un braquage.
DD et Black Panther appréhendent Wheeler mais s’opposent sur son sort.
BP ne croyant pas qu’un homme puisse changer enjoint Wheeler à choisir la seule voie honorable pour sa famille (le suicide) tandis que Murdock croit aux vertus de la main tendue et de la rédemption.
Daredevil parvient finalement à convaincre la Panthère de donner sa chance à Wheeler. Le malheureux semble enfin décidé à se reprendre en main mais n’est-il pas trop tard ? »
En fait, cette histoire c’est un peu le négatif (au sens photographique du terme) de la précédente et qui fait que, selon comment on l’abord, on pourra y voir une incohérence ou une prolongation de celle-ci.
En effet, la scénariste confronte encore une fois son héros à une culture ayant une conception différente de la justice.
Sauf que ce coup ci, Daredevil préfère répondre avec une main tendue plutôt qu’avec ses poings lui donnant ainsi une image de bon samaritain (rien de péjoratif derrière se terme) qui ne bougera pas durant le reste du run.

Il faut dire aussi que Wheeler est un personnage bien différent de Danny Guitar.
Au contraire de ce dernier, il ne cherche pas la richesse en se fichant du sort des autres mais à redonner espoir à sa famille, à se racheter auprès d’eux, à réparer ses torts.
Mais torturé et conditionné par le démon du jeu, il prend toujours le mauvais chemin, le chemin le plus rapide, le plus facile… le plus risqué aussi.
DD se fait donc partisan des secondes chances pour ceux qui reconnaissent leurs erreurs et qui sont finalement prêts à essayer de changer.
Ce qui s’avère au bout du compte le pari le plus risqué possible car même la meilleure volonté du monde peut-elle rattraper les erreurs passées ?
C’est toute l’ambivalence de la dernière case qui laisse le lecteur se demander si la femme de Wheeler lui pardonnera et si ce dernier réussira enfin à vaincre son démon intérieur.
Le risque passe aussi par le costume apparemment, ce qui permet à l’auteur d’introduire une réflexion intéressante sur la place de celui-ci dans la vie des superslips.
Le Trixter (Daredevil 241) permettait de questionner DD sur le clinquant de la figure superhéroïque, les acrobaties et les costumes glamour suscitant l’admiration du public qui les admirent comme des stars de ciné et trouve cela trop cool sans chercher à réfléchir plus loin que cela.
Wheeler lui renvoie à un autre aspect ambigu de ce fétichisme slippesque au travers de l’amour du danger de tous ces types en collants qui jouent avec le sort du monde et leur propre vie à chaque combat.

Il faut aussi voir dans la famille de Wheeler un reflet de l’enfance de Matt Murdock vu qu’on y retrouve la même cellule brisée entre un père aimant et voulant le meilleur pour son fils mais glissant sur la mauvaise pente, un raté rêvant de sa gloire passée et ne sachant comment s’occuper de sa famille, une mère absente, ici enfermée dans sa chambre, et un garçon mature et débrouillard.
La famille, l’innocence et les enfants sont autant de figures qui se retrouvent tout au long du run de Nocenti qui prend plaisir à tendre plusieurs fois une imagé déformée de son passé à Matt Murdock.
L’image du Père est même centrale, que ce soit au travers de Wheeler, Skip et ses « filles », Mephisto, BlackBolt, Ultron ou bien sûr Daredevil lui-même dans son rôle de protecteur-éducateur des Fatboys.
Aux dessins, la paire Chuck Patton et Tony DeZuniga rendent un travail classique.
Rien qui ne puisse attirer spécialement les foules mais tout de même parfaitement lisible avec malgré tout un petit côté rétro qui fait que ça rappelle plus du Alex Saviuk, du Ron Wilson ou du Keith Pollard qu’autre chose.
Pas désagréable mais on ne se relèvera pas la nuit pour revenir admirer les planches de ce numéro.
Un épisode qui marque un certain progrès donc et qui aurait pu être meilleur si l’arc précédent avait été un peu mieux mené afin d’éviter un sentiment de girouette du héros à la première lecture ou pour le lecteur distrait.
