Graphic Nuggets, On the Run(s), Red is the New Black

9/ Crash (Daredevil 248-249)

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©Marvel Comics

Même si Semic a relancé DD en France à partir du numéro 250 (RCM Daredevil) et que pour notre part nous avons décidé de diviser la prestation d’Ann Nocenti en fonction de ses principaux dessinateurs, c’est véritablement avec ce diptyque que débute la seconde partie du run de la scénariste.
Il faut dire qu’elle y introduit des éléments qui seront au centre du RCM et des premiers numéros de la VI.

La scénariste semble avoir quelque peu fait le ménage dans ses idées et donne enfin un direction précise à sa série.
Et comme la première fois, elle use de sa position d’editor des mutants pour attirer l’attention des lecteurs en accueillant en guest star le plus populaire d’entre eux : Wolverine (ou Serval pour les vieux de la vieille) !

« Sortie renforcée de ses épreuves précédentes, Karen tente de convaincre Matt de mettre sur pied une association d’assistance juridique et d’aide au drogués avec elle.
Matt refuse n’ayant envie aucune envie de jouer à nouveau l’avocat ou l’aveugle de service depuis les événements de Born Again.
Ce qui va changer la donne, c’est la rencontre de Matt avec un jeune enfant, Tyrone, qui va soudainement perdre la vue dans des circonstances peu ou prou similaires à l’enfance du héros puisque les produits chimiques déversés par la Kelco dans un étang sont responsables de sa cécité.

Ne pouvant plus exercer son métier d’avocat et la justice de Daredevil ne pouvant aider Tyrone, Matt accepte finalement la proposition de Karen afin de donner aux plus pauvres les moyens de se défendre eux-mêmes.
Et le premier cas se présentant à Murdock est une femme qui craint pour la vie de son mari apparemment poursuivi par un tueur fou.
Sauf que le tueur en question est en fait Wolverine et que le mari est un mercenaire, Bushwacker, travaillant pour une organisation anti-mutants.
Qui de Wolverine ou de Daredevil verra sa conception de la justice triompher ? »

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©Marvel Comics

Derrière l’affrontement classique entre justice expéditive et justice légale qui oppose Wolverine et Daredevil, Ann Nocenti en profite pour renouer les différents fils de la série, réintroduire la plupart des éléments milleriens et redonner à la série la direction qu’il lui manque depuis Born Again.
Le procédé consistant à confronter Murdock à un reflet de son passé est à la fois facile et ultra-malin.

Ainsi Tyrone, ce jeune garçon élevé par un père célibataire et devenu aveugle suite à un accident, permet au héros de renouer avec ses racines et à la scénariste de renvoyer le personnage à la fois à sa condition d’aveugle et à sa fonction de juriste.
Deux caractéristiques auxquelles Matt essaie vainement d’échapper depuis la conclusion écrite par Frank Miller.
Sauf que Nocenti ne gomme pas les conséquences de la chute ourdie par Miller.
Bien au contraire, elle rebondit dessus pour enfin tirer le perso sur son terrain à elle et ce de manière beaucoup plus naturelle et cohérente que précédemment.

Si Murdock ne veut toujours pas redevenir avocat et rejoindre un système qu’il considère avoir trahi, il met dorénavant son expérience au profit des plus démunis afin de leur donner les armes pour se défendre eux-mêmes.
Elle continue donc dans la voie d’un Daredevil qui n’est plus seulement un protecteur mais aussi un bon samaritain toujours prêt à tendre la main pour aider les plus faibles à se relever, un berger indiquant le bon chemin à ses ouailles perdues.
Ce qui d’une certaine manière prolonge la figure d’un DD christique construite par Miller.

Les démêlés de Tyrone avec la Kelco vont constituer le fil rouge principal des premiers épisodes de Nocenti avec John Romita Junior et lui permettre de creuser à la fois la spécificité du héros et de traiter des sujets qui l’intéresse.
Outre l’écologie, la justice, la foi, les exclus, la corruption, la violence, la condition féminine… la scénariste va aussi s’intéresser à la condition des aveugles et à la manière dont ils surmontent leur handicap.
Par extension, l’aveuglement dans tous les sens du terme est au centre de ce petit arc.
L’aveuglement de Matt quant à sa nature de juriste, celui de Wolverine partisan d’une justice aveugle, de Bushwacker qui pense agir pour le bien de la société ou de sa femme qui ne peut accepter que son mari est un tueur.

Le personnage de Bushwacker, sorte de cyborg pouvant transformer ses bras en armes à feu (concept que JR jr détesta au passage car trop irréaliste à son goût) est pour le coup un caractère n’ayant aucune excuse.
Il a beau se défendre mollement en se prétendant en croisade et en affirmant jouer un rôle permettant de purger la société, il tombe bien vite le masque en montrant qu’il exerce son métier par amour de l’argent, des armes et de la violence.
Il reflète encore une fois une certaine vision désabusée de Nocenti sur une partie de la société américaine.

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©Marvel Comics

Elle se fend d’ailleurs au passage d’une double séquence bien déviante et pleine d’humour tordue sur les rapports entre sexe et violence qui annonce d’une certaine manière Crash et Tueurs Nés avec un mélange de couple sur-sexué, de voiture, de violence et de cartoons.
Pour le clin d’oeil, on notera aussi que le personnage de Bushwacker rappelle un peu le Terminator de James Cameron, ce dont la scénariste s’amuse dans la séquence l’introduisant (Sarah Connor?).

Cela permet aussi à l’auteur de réintroduire des figures bien connues du lectorat comme Franklin « Foggy » Nelson devenu avocat de la Kelco, sa petite amie la photographe Glorianna O’Breen (accessoirement ex de Murdock), et surtout la nemesis du diable rouge, le Caïd/Kingpin qui est l’éminence grise derrière les agissements de la Kelco et qui brûle toujours d’une haine indestructible pour Murdock.
Le grand moghol du crime, quelque peu énervé de voir qu’il n’a pas réussi à briser son ennemi, va tout faire pour briser DD.

Avec cet arc, Ann Nocenti s’est enfin appropriée la série et prépare donc la prochaine chute de Daredevil en présentant un cadre et des thèmes suffisamment familiers pour appâter le lecteur tout en gardant une touche personnelle qui empêchera les futurs épisodes de ressembler à une pâle copie du travail de Miller.

Dernier point et non des moindres, l’excellente partie graphique pondue par le meilleur dessinateur régulier de fill-ins de l’époque, Rick Leonardi.
Ceux qui ont suivi la série Spider-Man 2099 (on en a parlé ici) connaisse bien toute la qualité de son association avec Al Williamson et ce diptyque ne les démentira pas.
Son trait rond, ses formes bondissantes toujours en mouvement, ses cadrages et mises en pages audacieuses sont autant de délices qui s’accordent parfaitement à la série et comme toujours donne un goût de trop peu tant on désirerait le voir rester plus longtemps.

Heureusement, le lecteur ne perd pas au change puisque voici John Romita Jr qui arrive pour effectuer sur Daredevil l’un de ses meilleurs travaux (son meilleur? En tout cas ici, c’est ce qu’on pense).

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©Marvel Comics

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