
« Henri, veuf récent, accepte un boulot d’été comme garde forestier dans le parc du Yosemit afin de faire son deuil et le point sur sa vie »
Ok, dit comme ça, ça parait pas véritablement engageant et un peu dépressif comme jeu.
Néanmoins ce fut l’une des expériences vidéoludiques les plus agréables, relaxantes et touchantes que nous ayons eu l’occasion de vivre.
C’est typiquement le jeu parfait pour flâner une heure ou deux en rentrant du boulot au début, ou bien pour se rafraîchir l’esprit sans avoir à affronter le soleil caniculaire, avant de se retrouver envoûté par l’histoire au point de ne plus décrocher de l’écran.
Conçu comme un « walking simulator » (dieu, que nous détestons ce terme), Firewatch est un jeu disponible sur PC, Mac, Switch, PS4 et X-Box One qui mise plus sur la découverte, l’exploration, la contemplation et la profondeur de ses personnages plutôt que sur des quêtes à remplir ou des scores à exploser.
On pourra ergoter sur la durée du jeu qui est, en effet, un peu courte mais les graphismes et la direction artistique aident à se plonger dans cette délicieuse ambiance de fin d’été, lorsque les jours sont toujours longs et gorgés de chaleur mais que l’on sent pourtant le temps se ralentir et la mélancolie poindre en prélude de l’automne.
Vous l’aurez donc compris, nous sommes ici en présence d’un jeu qui mise principalement sur son ambiance, sur son atmosphère et sur les sentiments qu’il développe entre le joueur, le parc et les personnages pour créer une expérience intimiste et parler de sentiments et thèmes très rares dans le monde des jeux vidéos.
Malgré la gravité de ces thèmes (le deuil, la solitude, la difficulté à se reconstruire et à renouer des relations), le jeu n’est jamais déprimant et diffuse à la place une ambiance tout en mélancolique apaisement.

On prend ainsi un plaisir tout simple à explorer le parc (malgré une sensibilité difficile pour les personnes souffrant de cinétose ou ne bénéficiant pas d’un bon sens de l’orientation), à prévenir les dangers de la forêt, à nettoyer celui-ci ou chercher ceux qui ne respectent pas la nature… et surtout à discuter par talkie walkie avec notre collègue Delilah.
Certes, il y a bien un McGuffin qui permet d’entretenir le suspens et de dérouler un mystère (et de développer quelques bons moments de paranoïa aussi) pour accrocher le joueur ayant désespérément besoin de se raccrocher à un objectif mais tout l’intérêt du jeu tient dans cette relation que l’on noue petit à petit avec cette femme à la fois sensible et débordante d’humour mordant qui poussera le personnage principal à sortir de sa coquille.
Nous défions quiconque de ne pas tomber sous le charme de Delilah et il convient de saluer l’excellente prestation vocale de Cissy Jones (la sans-abri dans LiS) qui réussit à donner une personnalité tangible à cette femme avec qui le héros communique à distance.
Une prestation qui nous rappelle le pouvoir incommensurable de la voix, de la parole, quelle soit écrite ou vocale, dans l’établissement des rapports humains, de la communication et de la rencontre des âmes.
Un petit jeu qui réussit l’exploit de traiter du thème du deuil sans jamais sonner lourd ou déprimant et dont on retient principalement ces moments calmes, apaisants, où l’on prend plaisir à regarder le paysage environnant tout en dégustant son café et en échangeant des jeux de mots pourris ou des confessions avec notre collègue et qui, au final, rappelle que ces petits moments de rien du tout sont aussi, et surtout, les plaisirs les plus agréables, les plus poétiques, les plus intimes et les plus précieux offerts par la vie.
