
Après l’agréable respiration du séjour à Las Vegas, les choses reprennent à un rythme endiablé pour le dernier arc dessiné (partiellement) par Dale Keown.
La saga Ghosts of the Past manque de peu le statut de chef-d’oeuvre mais sa genèse troublée montre toute l’excellence de Peter David qui réussit à composer et à suivre son fil malgré les accidents de parcours.
Alors attention, prenez votre souffle parce qu’il s’en passe des choses dans ces épisodes qui mettent en scène deux grandes trames qui vont se rejoindre dans un final explosif.
« Tout commence par l’attaque du Leader accompagné de ses freaks et des U-Foes (sorte de version maléfique des Fantastic Four créée par Bill Mantlo) sur le QG du Panthéon (397-398).
Pendant que ses troupes occupent Hulk et le Panthéon, le Leader réussit à rencontrer Agamemnon à qui il demande… son aide.
L’Hydra menace en effet d’envahir le refuge utopiste qu’à créé l’homme au crâne en forme de pop-corn.
Contre toute attente, Aggy accepte d’aider Sterns (le Leader) ce qui provoque la fureur de Bruce Banner bien décidé à ne pas pardonner à l’homme qui a détruit une ville entière.
Pendant ce temps à Reno, Jackie révèle toute sa folie en enlevant et séquestrant Rick Jones dans sa cave au côté de ses autres « enfants ».
Marlo et Betty volent à sa rescousse mais, malheureusement, Jackie réussit à assassiner Marlo.
Pendant que Banner quitte le Panthéon et fait le point sur sa vie sur l’ancien site de la base gamma (399), Rick ne peut se résoudre à accepter la mort de sa belle et craque littéralement.
Il fait le tour de ses potes super-héros afin que l’un d’entre eux ramène sa dulcinée à la vie.
Devant leur refus, il se tourne en désespoir de cause vers le Leader qui dit posséder les moyens de ressusciter les gens.
Afin de prouver ses dires, il révèle l’identité de son Rédempteur…. feu le général Ross (remember le cadavre disparu de l’épisode 334?).

Tout se dénoue dans le double épisode 400.
Rick rejoint donc le Leader et pendant que ce dernier entreprend son expérience pour redonner vie à Marlo, L’Hydra passe à l’attaque.
Le Leader appelle donc Agamemnon afin d’obtenir l’aide promise sauf qu’Aggy fait montre de toute sa duplicité.
En effet, il a en fait trompé le Leader pour empêcher la destruction du Panthéon.
Après avoir convaincu Betty de ramener Hulk, il offre le Leader sur un plateau d’argent à ce dernier.
Hulk arrive donc en plein milieu d’une bataille rangée afin de régler son compte à sa nemesis.
Même l’intervention de Rick ne parvient pas à le calmer et pendant un bref mais fatidique instant, il cède à sa rage intérieur et tue le Leader et le général Ross.
De même, il détruit la machine de Sterns ce qui laisse Marlo dans un état végétatif.
L’épisode se conclut sur un parallèle entre Rick et Hulk tous les deux brisés par les conséquences de leurs actes et leur culpabilité.
Les deux hommes retournent à Reno et après une conversation musclée se réconcilient.
Rick est persuadé que Marlo est vivante et va tout faire pour lui faire reprendre conscience.
Pendant ce temps, l’assistant du Leader, Omnibus, prend la direction des Freaks.
Hulk, de retour au Panthéon, se voit proposer le poste de chef de l’organisation par Agamemnon.
Banner demandant une preuve de bonne foi, Aggy dévoile (une partie de) sa vraie nature et se révèle être un adolescent immortel.
Une nouvelle page s’ouvre pour Bruce Banner qui accepte la proposition afin de continuer à racheter ses pêchés même si une nouvelle vision de Delphi relance la piste d’un futur sombre. »

PAD fait preuve d’une véritable maestria dans cette saga qui réussit à lier ensemble des fils tissés depuis le début de son run et à la fois à donner une conclusion cohérente à certains éléments tout en relançant la machine.
Il instaure une véritable tension et des rebondissements quasiment à chaque page et le tout défile à la vitesse d’un TGV.
Il conclut aussi provisoirement l’évolution de Bruce, Betty, Rick et le Leader dans des confrontations qui valent leur pesant d’émotions.
Ainsi, Sterns se révèle comme un être complexe dont les actions amorales le placent au-delà du bien et du mal.
Rick se prend la dernière claque ultime de la part de la réalité et son drame se révèle poignant et touchant.
Le geek de service habitué depuis trop longtemps à évoluer parmi les demi-dieux perd tout contrôle dès lors qu’il est confronté à la mort (réaction qu’on avait déjà vu dans The Death of Captain Marvel).
Sa culpabilité rampante éclate aussi au grand jour et il considère que le sort final de Marlo est le karma du meurtre qu’il a commis.
Jamais l’éternel side-kick n’avait autant touché le fond et ne s’était montré aussi intéressant.
Betty est enfin devenue une femme forte, un roc auquel tant Rick que Bruce peuvent venir se raccrocher.
Pourtant la mort de Marlo a aussi agi sur elle comme un électrochoc et, bien décidée à profiter de la vie, elle retrouve enfin son homme lors d’un baiser au clair de lune qui rappelle les précédentes confrontations entre les éternels tourtereaux contrariés (épisodes 344 et 373).

Surtout, PAD referme parfaitement la boucle puisque la vision d’un Hulk ayant perdu le contrôle et couvert du sang du Leader répond enfin à la vision de Delphi (382).
Ceci permet de se questionner à nouveau sur la soi-disant stabilité mentale du Docteur Banner.
Le scénariste va d’ailleurs parallèlement planter les graines de plusieurs intrigues à venir.
La plus évidente est la quête de Rick d’un moyen pour ramener Marlo à la vie.
Mais il y a aussi les secrets d’Agamemnon, la vision qu’a Delphi d’un nouveau personnage appelé à jouer un grand rôle (Le Maestro), la liaison cachée entre Atalante (chérie d’Ajax) et Achille, et le devenir d’Omnibus dont on se demande au final s’il a manipulé tout le monde pour se débarrasser du Leader ou si ce dernier a transféré son esprit dans son assistant.
Malgré toute cette tension et ces rebondissements dramatiques, David réussit toujours à injecter de salutaires références et doses d’humour.
La storyline du trio Rick/Marlo/Betty avec Jackie rappelle la confrontation entre Clarice Starling et Buffalo Bill dans le Silence des Agneaux mais joue aussi comme un démarquage de Psychose, la matrice de tous les slashers.
David réussit néanmoins toujours à faire rire le lecteur, principalement grâce aux mésaventures de Betty avec Aggy et Prométhée.
Mais c’est Hulk qui se réserve la scène la plus drôle grâce à une réplique désopilante sur la taille de son… heu.. de sa… enfin bref, vous voyez !
Seul 2 points restent complètement irrésolus.
Premièrement, l’auteur laisse le doute sur le lien de parenté entre Rick et Jackie avec un dialogue qui laisse bien entendre que là n’est pas son propos et qu’il ne compte pas s’embarquer dans les circonvolutions qui sont alors en train de faire des noeuds au cerveau des lecteurs de Wolverine.
Plus faible par contre est l’inclusion de l’Hydra dans l’histoire qui n’est qu’une fonction narrative impersonnelle et dont on ne connaîtra jamais l’identité du commanditaire (Aggy ? Omnibus ? Le Leader?) et le pourquoi du comment de leurs actions.
Mais en fait la seule véritable grosse ombre au tableau est l’éjection de Dale Keown après l’épisode 398.

Même si ce dernier a avoué dans la presse que les histoires de David étaient trop intellectuelles à son goût et qu’il aurait aimé mettre en scène plus de bastons, ce n’est pas une scission créative qui entraîne son départ.
En fait, à cette époque, les Image Boys demandent à leurs copains dessinateurs de fournir des pin-ups pour leur compagnie afin de compléter les pages de leurs magazines.
Keown fournit lui un dessin d’un balèze de sa création, Pitt, sans réelle idée préconçue derrière.
Néanmoins, il n’en faut pas plus à Todd McFarlane pour s’exciter et annoncer fièrement (perfidement?) dans les pages du courrier des lecteurs de Spawn l’arrivée de son compatriote chez Image.
Le staff éditorial de Marvel voit instantanément rouge à cette annonce et vire Keown illico presto.
C’est Jan Duursema qui assure l’intérim sur les numéros suivants en faisant de son mieux pour imiter le style du canadien mais sans briller particulièrement non plus.
Arrivée en catastrophe, elle n’arrive cependant pas à terminer le numéro 400 dont la moitié est confiée à un Chris Bachalo qui accomplit là son premier boulot pour Marvel sans briller particulièrement.
Cela met aussi à bas tous les plans de PAD puisque, comme le révéla alors Keown (dans une interview donnée à Scarce juste avant son éviction), la résurrection de Marlo devait intervenir bien plus tard et de manière différente.
Hulk et Rick auraient ainsi fait le tour du monde mystique de Marvel avant d’entamer une descente aux enfers pour libérer l’âme de la belle des mains de Mephisto.
La manière dont Peter David a alors réussi à revoir complètement ses plans à la dernière minute et à néanmoins fournir une grande saga montre tout le talent qu’il possède.
Il ne reste plus dorénavant qu’à retrouver une équipe artistique à la hauteur pour prendre la relève.
Chance pour le scénariste, un excellent nouveau dessinateur vient de pointer le bout de son nez dans l’une des pin-ups agrémentant le numéro 400.
