DC Extravaganza, Graphic Nuggets, Living at the Edge of the Worlds

Kamandi at Earth’s End (Tom Veitch / Frank Gomez / Mike Barreiro)

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© DC Comics

Vous les aimez, hein, vos années 90 !
Vous les regrettez.
Vous avez mouillés vos caleçons à la vue du t-shirt NIN de Captain Marvel.
Vous pensez réellement que le passé était si bien que cela ?
Et bien laissez-moi vous raconter l’histoire de Kamandi.
Alors voilà, Kamandi a une petite amie et son prénom à elle c’est… ah non ! Ca c’est l’autre chanson.

On reprend.
Alors voilà, Kamandi est une création de Jack Kirby.
Enfin, disons plutôt que c’était à l’origine une commande éditoriale.
En effet, au début des années 70, l’editor in chief de l’époque, Carmine Infantino, fit des pieds et des mains pour obtenir le droit d’adapter la très populaire licence de La Planète des Singes en comics.
Las, le studio Fox préféra donner les droits à Marvel.

A la même période, King Kirby travaille sur son fameux 4th World qui ne rencontre pas le succès attendu et entraîne dans un premier temps l’arrêt de la série Forever People.
Le contrat de Kirby chez DC spécifiant qu’il doit produire un certain nombre de séries par mois, Infantino se tourne vers le grand créateur et le commissionne pour produire un pastiche de la fameuse planète simiesque qui vient de lui échapper.
Ni une ni deux, Kirby s’exécute et sort de son chapeau le concept de Kamandi qui étend celui de la Planète des Singes à l’ensemble du monde animal.

Dans cet univers où les humains ont régressé et où les différentes tribus animales se disputent le pouvoir, Kamandi est le dernier survivant du bunker Command D qui le préserva des radiations du Grand Désastre.
Sorte de Candide post-apocalyptique, il part explorer ce nouveau monde avec l’espoir de ramener l’humanité vers la conscience et la civilisation.
La série réussit à capter le zeitgeist avec son mélange du fameux film, de post-apo typique des seventies et de certains idéaux hippies.
Elle s’avère être assez populaire pour survivre au départ de son créateur et les différents scénaristes, Kirby inclus, se mettent à tisser des liens pour inclure ce futur dans la continuité DC en le liant à diverses autres séries : Atomic Knights, OMAC, Hercules Unbound…
Malheureusement, elle se retrouve dans la charrette de titres annulés lors de la crise économique qui frappe DC en 1978 et qui fut nommée DC Implosion.

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© DC Comics

Quelques années plus tard, suite aux événements de Crisis on Infinite Earths, Kamandi se retrouve effacé de la continuité DC et semble parti pour tomber dans l’oubli.
Cependant, dans le contexte de concurrence féroce que se livrent DC, Marvel et Image Comics au début des années 90, il s’agit pour les éditeurs d’occuper le terrain et d’écraser la concurrence en alignant un maximum de titres sur les étals.
Du coup, DC se dit qu’il serait temps de ressusciter Kamandi et de le remettre au gout des nineties.

Prudents sur ce coup, les editors de DC préfèrent tabler sur un banc d’essai et décident que ce reboot/relaunch de Kamandi soit un Elseworld afin de ne pas rééditer les problèmes de futurs multiples et incohérents qui a conduit à Crisis et qui sont en train d’engluer les séries X de la concurrence.
Plutôt que le format one-shot jusqu’alors en vigueur, la compagnie décide cette fois-ci de miser sur un autre format donnant ainsi naissance à la première mini-série (en 6 épisodes) du label Elseworlds.
Pour le scénario, on le confie à un vétéran de l’industrie qui est en train de connaître une popularité tardive : Tom Veitch.

Tom Veitch

Né le 21 septembre 1951, Tom Veitch est bien le frère de Rick dont nous avons eu l’occasion de parler à propos de l’un des meilleurs Marvel Graphic Novel publié: Heartburst.
Artiste typique de la génération peace and love, il effectue ses débuts à l’orée des florissantes seventies en produisant moult comix dans le sillage de la mouvance underground ainsi que des romans et des poèmes sous haute influence des écrivains de la Beat Generation, en particulier Allen Ginsberg.
Il pose un premier pied dans le mainstream en 1981 lors d’une collaboration avec son frère Rick lors d’un épisode de Sgt. Rock.
Cependant, c’est en 1986 que son nom va devenir plus familier pour les lecteurs grâce à sa mini-série publiée sous le label Epic de Marvel: The Light and Darkness War.

Néanmoins, c’est chez DC qu’il publie ses mini-séries suivantes, toujours en creator owned comme Nazz, My Name is Chaos ou Clash qui le voient travailler avec des collaborateurs de haut vol comme Bryan Talbot ou la future superstar Adam Kubert.
Il relève aussi le gant de la série Animal Man après le départ de Grant Morrison et s’en sort sans trop de déshonneur.
C’est en 91-92 qu’il connaît l’un de ses plus gros succès commerciaux en produisant pour Dark Horse en compagnie de son dessinateur de Light and Darkness War, Cam Kennedy, l’une des premières bandes dessinées de l’univers étendu de Star Wars : Dark Empire.
Un nom qui s’avère donc porteur en ce début 1993 pour cette relance officieuse de Kamandi à qui le staff éditorial décide d’accoler un jeune dessinateur bien dans l’air du temps et faisant ses débuts ici, Frank Gomez, et un encreur à peine plus expérimenté, Mike Barreiro.

« Alors que la Terre est recouverte de mutants dégénérés tentant de survivre dans un monde ravagé par les radiations, Kamandi coule des jours heureux en compagnie de son père adoptif et sa petite amie virtuelle dans le bunker géré par l’intelligence artificielle qui l’a élevé, Machine Mother.

Jusqu’au jour où Mother décide d’envoyer Kamandi parcourir le monde extérieur afin de trouver et d’exterminer l’homme qui a provoqué l’apocalypse nucléaire : Superman.
Poursuivi par un mystérieux trio de cyborgs voulant détruire Mother, Kamandi pourra cependant compter sur l’aide de deux nouveaux amis rencontrés en chemin pour survivre et accomplir sa mission. »

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© DC Comics

Et tout cela est merveilleux !!

De nullité, bien évidemment !
Nous sommes ici en face d’un produit standard typique de la première moitié des années 90.
Ainsi, cette longue, beaucoup trop longue mini-série va piller les différents gros succès des 15 années qui l’ont précédée.

Un trio de personnages avec un jeune naïf appelé à devenir un grand héros (hum!), un compagnon cynique mais en fait toujours prêt à aider et une femme plus intelligente que les 2 autres à la Star Wars ? Check !
Un monde post-apocalyptique plein de mutants, pilleurs et dégénérés à la Mad Max ? Check !
Une apocalypse en milieu de récit à la Akira ? Check !
Une intelligence artificielle menant la guerre contre les humains et plus méchante et retorse que Skynet ? Check !
Un Superman affaibli par les radiations et ressuscitant grâce au soleil à la Dark Knight Returns ? Check !
Et on pourrait continuer à dérouler la liste des grands succès geeks que Veitch colle dans son récit.

Entendons-nous bien, il n’y a aucun mal à chercher l’inspiration dans des œuvres précédentes ou à ressortir des influences dans son propre travail.
Aucun artiste n’est une île isolée et est forcément perméable à son environnement.
Sauf que l’important c’est ce que l’on fait de ces influences, ce que l’on en tire et comment on les utilisent pour nourrir sa propre vision.
Malheureusement, il n’y a aucune vision dans l’histoire pondue par Rick Veitch, juste une histoire banalement oubliable comme on en trouvait beaucoup trop à l’époque.
On est ici en présence d’un truc qui se veut prétendument intelligent et qui essaie de se perdre dans des circonvolutions inutiles pour masquer le vide.
Une fois que l’on retire le voile, il ne reste qu’une succession de rencontres enfilées comme des perles et se résumant à coups de PAF ! Dans ta gueule ! Tu l’aimes mon bazooka ? BOUM BOUM !! Aaaargh !!

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© DC Comics

Et si encore l’action était jouissive et épique, la pilule pourrait passer, sauf que tout cela vole au ras des pâquerettes.
Vous remplacez ça par un autre truc sans queue ni tête du même tonneau comme les Wild CATS, Cyberforce, Youngblood ou Punisher 2099 de la concurrence que vous ne remarqueriez même pas la différence.
Et ne comptez pas sur l’écriture des personnages pour rattraper le tout tant ceux-ci sont bêtes comme leurs pieds.
Ben Boxer et son équipe sont incapables de faire 1+1=2 et préfèrent suivre Kamandi à l’autre bout du pays pour trouver où se trouve Machine Mother alors que pourtant ils ont assisté à son émergence depuis le bunker de celle-ci.
Kamandi ne pense, littéralement, qu’avec sa bite et ses changements de camp ne sont guidés que par la perspective de sauter telle ou telle meuf réelle ou virtuelle.
La traîtrise de Mother Machine et son caractère malveillant se voient dès sa première apparition à grands coups de phrases ponctuées de nyark nyark et de regards en coin ayant la même finesse que le jeu d’Ozymandias dans le Watchmen de Zack Snyder.

Le sommet est atteint avec le out of character commis sur Superman toujours présenté ici comme un parangon de noblesse et d’humanisme mais qui décide de partir avec un Ben Boxer qui a quand même atomisé les derniers survivants du New Jersey.
Et ces dialogues ! Mon dieu, ces dialogues !
D’accord, on veut bien comprendre la logique comme quoi des personnages isolés et sans éducation s’expriment avec difficulté.
Greystoke, La Guerre du Feu ou la Nova de la Planète des Singes ont démontrés que l’on pouvait s’en sortir et proposer des personnages fins et poétiques malgré leurs difficultés linguistiques.
Sauf que dans Kamandi, c’est totalement raté et les différents protagonistes semblent avoir la même logique trépanée qu’un cro-magnon après une lobotomie.
Cela pourrait à la limite fonctionner si le parti-pris de l’histoire était de proposer quelque chose de parodique, de satirique, bref qui fasse rire le lecteur.
Mais ne comptez pas là-dessus, tout est traité au premier degré le plus sérieux et concerné.

Ah ! Et oubliez le postulat de départ à base d’animaux intelligents qui donnait son originalité à la première série, vous n’en trouverez nulle trace ici.
Les dessins de Frank Gomez sont malheureusement à l’avenant de la prestation de son scénariste: médiocres !
Bon, les différentes couvertures illustrant l’article vous donnent un bon aperçu de son graphisme qui condense tout les canons de l’esthétique 90s.
Des morphologies surgonflées et approximatives de bodybuilders anabolisés, des tenues avec blousons et poches inutiles partout en ligne directe de Rob Liefeld ou Jim Lee, de la chevelure longue et soyeuse à faire pâlir d’envie le metalleux chauve de plus de 50 ans en goguette au Hellfest, des guns, des canons, des cartouchières, des bazookas et des mitraillettes tellement surdimensionnées que l’on se demande bien comment les personnages arrivent encore à poser un pied devant l’autre sans souffrir de hernie discale, du cyborg vilain pas beau méchant tout plein, de la bimbo aux prothèses mammaires remplies d’hélium…
A défaut de bon goût, on peut dire que cela coche toutes les cases du titre vendeur en cette année 1993.

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© DC Comics

Du côté des influences graphiques, c’est aussi une grosse tambouille puisque le dessinateur ne semble pas savoir sur quel pied danser et copie aussi les copains stars du moments sans réussir à choisir son camp entre Liefeld, Joe Quesada, John Romita Jr ou Simon Bisley.
L’influence de ce dernier se fait cependant plus prégnante au fur et à mesure que l’on progresse dans les épisodes comme si Gomez avait eu l’intuition que donner un aspect plus sauvage voire plus comique à cet univers post-apocalyptique de pacotille pourrait être la planche de salut.
Malheureusement, au contraire d’un Jae Lee dont les épisodes de Namor lorgnaient aussi beaucoup du côté de Bisley, c’est un échec total qui ressemble plus aux essais ratés de Tom Grindberg voulant émuler Mike Mignola ou de Tom Morgan croyant être Walt Simonson.

Bref, vous l’avez compris, et même si cette mini-série fut assez populaire pour donner naissance à une suite quelques années plus tard, c’est aussi moche à regarder que lénifiant à lire.
Le seul maigre intérêt à ces 132 pages c’est qu’elles constituent une compilation du « meilleur » des années 90 qui pourront vous faire économiser l’achat d’autres séries si vous souhaitez avoir un aperçu du mood de l’époque.
Mais bon, tant qu’à faire mieux vaut se tourner vers la série originale du King Kirby.

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