Blue Lines, Encres et Graphites, Strange Cultures

Adam Kubert, l’art de la narration explosive

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© Marvel Comics

Oui, c’est un bien beau titre, plein de passion pour un dessinateur dont j’admire le travail!

Cette série d’articles sera consacrée à des dessinateurs que j’apprécie beaucoup, et aura la particularité d’aller au delà de la simple subjectivité  : « Bordel c’est beau et ça pète sa race! »
Les images choisies s’attarderont sur des aspects bien spécifiques de la narration. Comment certains artistes réussissent à rendre palpitantes des scènes dialoguées, ou comment ils composent leurs planches, ou des séquences bien précises, en fonction d’une idée de mise en scène.

Pour ceux qui me connaissent un peu, peu de surprise à ce que j’ouvre cette série avec Adam Kubert.
Excellent dessinateur mais aussi excellent narrateur, il développa tout au long de sa carrière des techniques narratives construites sur des principes bien spécifiques:

  • la décomposition d’un mouvement sur un plan fixe
  • la symétrie sur des actions « parallèles »
  • des flash back basés sur différents styles graphiques

Etc, etc,…

J’essaierai de passer en revue les étapes les plus représentatives, à mon sens, de son style en me focalisant sur des thèmes et des périodes précises.

La décomposition du mouvement

Commençons donc par sa période Wolverine et la représentation d’un mouvement sur un plan fixe.
Cette technique fonctionne sur des scènes d’action et rythme aussi des scènes de dialogues.

Qu’est-ce que le plan fixe?
C’est souvent une succession de plusieurs cases, où l’angle de vue choisi (ou « caméra » si c’est plus « parlant »), ne bouge pas.

serval pop corn
© Marvel Comics & Editions Semic

Sur cette planche, Adam Kubert utilise des cases verticales pour rythmer le dialogue. Cela permet de décomposer le mouvement du pop-corn tombant dans le lac et de rendre vivante une scène où deux personnages sont assis, immobiles.

Trois plans d’action, où l’on voit Jubilee manger, et un plan large, horizontal, donnant des informations sur le lieu de « l’action ».
L’atmosphère paisible qui s’y dégage crée une rupture avec la scène précédente qui voyait LA révélation au sujet des griffes de Wolverine.

Si Wolverine #75 est connu comme étant le premier épisode dessiné par Kubert, et la conclusion de l’arc Attractions Fatales, cette planche est la première du récit à proposer une mise en scène classique, loin des pages « in your face » qui alimentent ce numéro rythmé à 100/h et basées sur l’épreuve que subit Wolverine après la perte de son adamantium.

Une autre scène extraite de ca numéro permet aussi de voir comment, en une succession de plans fixes, il réussit à donner du dynamisme et des informations sur la relation entre les personnages:

serval cigare
© Marvel Comics & Editions Semic

Sur une scène simple, Jubilee, ainsi que le lecteur, découvre l’état de santé bien affaibli du mutant griffu.
Une idée toute simple, mais efficace!

Wolverine #77 s’ouvre sur une succession de pleines pages, où Lady Deathstrike traverse la maison de Heather Hudson, chef de la Division Alpha.

serval page 1
© Marvel Comics & Editions Semic
serval page 2 et 3
© Marvel Comics & Editions Semic
serval page 4
© Marvel Comics & Editions Semic
serval page 5
© Marvel Comics & Editions Semic

En assemblant ces pleines pages, nous remarquons que la scène se déroule sur un même plan : les personnages traversant (dans le sens de lecture), différentes pièces de la maison.

serval deathstrike complet
© Marvel Comics & Editions Semic

L’idée de mouvement et d’impact est soulignée par des objets en suspension, du café renversé ou des bris de verre!
Le choc final n’est pas défini par une onomatopée, mais par de la fumée, une caractéristique bien spécifique à la bande dessinée (le choc sur le visage de Lady Deathstrike)!

Dans ce numéro, d’autres idées de décomposition du mouvement sont visibles, mon préféré étant le combat dans l’escalier :

serval escalier complet
© Marvel Comics & Editions Semic

Adam Kubert utilisa régulièrement des compositions verticales.
Ici, nous suivons la chute des deux adversaires.
Les points de suspension du dialogue « …plaindre au moins… » aident le lecteur à chercher la suite.
Cette suite se trouvant dans la case chevauchant la troisième case.
Le risque, dans ce genre de composition est que le regard du lecteur se dirige vers la dernière case.
C’est dans ce genre de situation que le lettrage, et le placement des bulles ont leur importance.
Les trois dernières case se lisent elles aussi de manière verticale.

Autre mouvement de décomposition :

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© Marvel Comics & Editions Semic

Cet effet est intéressant.
Nous suivons la goutte de sang par étape, et non dans son intégralité.
C’est à dire que Kubert a choisi de ne pas dessiner le corps entier de Lady Deathstrike, mais de segmenter ce dernier.
Ce qui peut paraître étrange, c’est le choix du bassin, en position inversé par rapport au reste du corps.
La logique aurait voulue que ce soit au même « niveau ».

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© Marvel Comics & Editions Semic

Dans Wolverine # 79, un autre exemple d’une action décomposée et au procédé astucieux!

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© Marvel Comics & Editions Semic

Il faut prendre en compte une règle narrative essentielle : les mouvements des personnages, certains détails ou certaines lignes de composition doivent aider le lecture à suivre et comprendre l’action au sein des cases et entre elles.
Nous reviendrons sur certaines de ces règles, mais ici, nous avons l’exemple type d’une action commençant à gauche et se terminant à droite respectant ainsi le sens de lecture occidental.
Ainsi, le mouvement du bras de Wolverine en première case suppose effectivement qu’il va se diriger vers la droite.
Le sang, les bandes et les traits de vitesse dirigent le lecteur vers la tête (de dos) de Cyber. Notez que la main est stoppée sous la dernière case, suggérant l’inefficacité du geste.

Wolverine # 82 et # 87 possèdent aussi différentes gestions d’un plan fixe:

Dans ce cas, il s’agit d’une composition classique.
Kubert développa différentes approches de la narration sur Wolverine, et instaurera une structure classique du gaufrier sur le Hulk de Peter David.
Cette approche classique est extrêmement exigeante car elle oblige l’artiste à appliquer une approche claire et lisible de l’action.

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© Marvel Comics & Editions Semic
serval bar coupé
© Marvel Comics & Editions Semic

Dans ce cas, il s’agit pour la seconde case, d’amener une information ainsi qu’une touche d’humour.
Simple et efficace.

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© Marvel Comics & Editions Semic

Sur cette dernière planche, l’idée est plus complexe!
Sur un plan fixe où Tyger Tiger et Logan dansent, plusieurs informations apparaissent, encore une fois sous une forme de lecture verticale.
La lecture dans ce cas joue sur les effets gauche/ droite, soulignés par les griffes, bien sûr, mais aussi par les effets de vitesse.
Une excellente idée narrative, qui permet en quelques cases, de multiplier les informations, afin de créer aussi un ton assez léger, voire humoristique tout en soulignant les capacités du héros.

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© Marvel Comics

 

 

 

 

 

 

 

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