
– Pitch: Ménage express !!
Dans cette première partie de notre chronique de la longue agonie du label 2099, nous allons nous pencher sur la fin des différentes séries publiées jusque là au travers des quelques épisodes restés inédits en VF.
Et l’on commence tout de suite avec notre nanard préféré, Ravage 2099, qui n’a de toutes façons pas passé les portes de la période 2099 A.D.
Après les 16 premiers épisodes traduits en France, la série continua son petit bonhomme de chemin outre-Atlantique jusqu’au numéro 33 sans qu’aucun changement notable ne soit perceptible.
Seule petite exception, le dessinateur Grant Miehm est remplacé à mi-parcours par un petit débutant brésilien nommé Joe Bennett qui effectue là son premier « long » parcours sur une série, le tout dans un style bien dans le ton des artistes sud-américains de l’époque (Deodato studios) donc tout en « finesse »: jambes démesurées, grosses poitrines, cases clinquantes mal agencées, gros balèzes surarmés…
Pour le reste, on navigue toujours dans des intrigues dignes d’une série Z italienne faites avec 2 ficelles et un chewing-gum et qui provoquent un rire nerveux et parfois franchement incontrôlable au fur et à mesure de la lecture.
De toutes façons, c’est ça ou des larmes de sang.
L’histoire lorgne franchement vers une thématique heroic fantasy assez incongrue (mais n’oublions pas que Pat Mills est le créateur de Slaine) et nous promeut notre cher John-Phillip au rang de messie qui doit rechercher une mythique vallée d’hommes-bêtes, sachant qu’en les libérant il trouvera son équilibre intérieur.
Le petit Ravage passera son temps à se bastonner avec des grosses bébêtes aussi décérébrées que lui tout en recueillant des compagnons de voyage à la personnalité d’une feuille A4 avant de libérer les « zentils » hommes-bêtes (qui sont un peu attardés aussi, au passage).
Mention spéciale au passage pour la tribu qui vénère un dieu du chaos qui s’avère être un tracteur hors de contrôle.
Après cela, il sera attaqué sans qu’on sache trop pourquoi par Dethstryke et sa prophétesse.
Qui ça?
Mais si, Dethstryke, le leader des mutroïdes, le Doom du pauvre, celui que papy Stan avait créé pour être la némésis de Ravage dans les premiers épisodes.
Ben là, il revient se friter avec Ravage dans les derniers numéros, les scénaristes nous révélant au passage que lui et sa prophétesse sont en fait le dernier couple présidentiel élu et qu’ils furent exilés par les viles méga-corporations qui gouvernent le monde en sous-main.
Arrivé à ces profondeurs scénaristiques, l’éditorial profite de 2099 A.D. pour boucler la série et tirer un trait sur tout ce petit monde.
Après une grosse baston où tout le monde tue son prochain avec allégresse, Doom débarque et coule Ravage et toute l’île d’Hellrock dans l’adamantium avant de les envoyer dans l’espace (on est jamais trop prudent, d’ici à ce qu’un scénariste voudrait ressusciter le personnage..).
Après la lecture de tout cela, on en viendrait presque à regretter qu’on eusse pas eu la suite tellement tout cela était over the top dans le what the fuck.
Mais bon, ça reste quand même réservé aux amateurs de déviances.

Alors maintenant, la partie compliquée… Enfin non !! Pas tout de suite.
Avant cela, il convient de signaler que les séries 2099 ne se sont pas toutes arrêtées au même niveau en France et les derniers arcs des séries restantes étant très très liés les uns aux autres, il convient d’abord d’effectuer une « synchronisation des montres, Jerry !! »
On récapitule.
Les séries Ravage, Punisher, Hulk, Unlimited et Ghost Rider sont terminées.
On est à jour concernant Fantastic Four et X-Nation.
Restent donc Spider-Man, X-Men et Doom qui eurent chacun droit à un arc (publié entièrement ou partiellement en France) avant les épisodes finaux.
Ces trois histoires sont, chacune à leur manière, révélatrices du chaos régnant alors dans l’univers 2099 suite au départ de l’editor Joey Cavalieri, de l’effondrement du marché et de la banqueroute de Marvel.
X-Men 2099: John-Francis Moore, accompagné aux crayons de Jan Duursema, temporise en nous sortant de son chapeau une menace sortie encore une fois du passé trouble de Xi’an puisqu’une version futuriste du Foolkiller veut se venger de l’ancien gang de Xi’an (qui est en fait innocent).
Une storyline éculée donc qui reste dans le ton des précédents épisodes.

Spider-Man 2099: Si l’on a bien eu le dernier arc de Peter David (dessiné par l’insipide Andrew Wildman) en français, il convient de s’arrêter dessus un moment pour décrire les pérégrinations que dut subir le scénariste.
En effet, sur cette histoire mettant en scène le Goblin 2099, David se voit imposer d’incessantes modifications qui grèvent grandement son histoire.
Ainsi le raz de marée et le combat contre Roman 2099 (devinez de qui il est l’adaptation) lui furent imposés par la paire Ben Raab – Terry Kavanagh, tout comme l’identité du Goblin.
Alors que l’auteur prévoyait que celui-ci soit le Père Jennifer, l’éditorial préfère que ce soit Gabriel O’Hara, le frère du héros.
(Comme quoi, les bisbilles éditoriales autour de l’identité des goblins sont une tradition bien ancrée chez Marvel)
Malgré ces avanies, David essaie plus ou moins d’apporter une conclusion satisfaisante au petit univers qu’il a développé avant de prendre la porte puisque Gabe part, Tyler Stone meurt et Miguel et sa mère partent bras-dessus bras-dessous enfin réconciliés.

Doom 2099: Encore une fois, la série est celle qui reflète le plus l’état dans lequel se trouve le label et, autant le dire, ce dernier arc de la série est une claire déception et montre bien à quel niveau de déliquescence éditoriale est tombé l’univers 2099.
En effet, cette histoire voit passer pas moins de 5 scénaristes (Warren Ellis, Tom Peyer, Evan Skolnick, Tom DeFalco et John-Francis Moore) et 3 dessinateurs (John Buscema, John Royle et Jeff Lafferty) sur 5 épisodes… auxquels il faut ajouter un épisode des Fanstatic Four de Tom DeFalco et Paul Ryan (FF 413) pour la version courte et 13 de plus pour la longue (Doom faisant se payant des visites de « courtoisie » chez ses petits camarades de 2099).
Ce défilé vous donne un bonne idée de comment l’intrigue perd toute direction au fur et à mesure qu’elle avance avant de déboucher sur quelque chose très éloigné de ce qui était prévu au départ et une bonne migraine pour celui qui voudrait recomposer le bon ordre de ce crossover qui ne dit pas son nom, Marvel ayant la « bonne » idée de ne pas numéroter les différentes parties.
Le premier épisode (co-écrit par Ellis et Peyer et dernier publié en français) pose la transition entre le scénariste britannique et son successeur.
Peyer semble alors promu nouvel architecte de l’univers 2099 (il lance en parallèle le titre X-Nation 2099) et commence à mettre en place les pièces qui doivent mener à la prochaine phase du label : 2101.
Malheureusement, le staff éditorial fait volte face, débarque le scénariste après un épisode et demi et ramène la série au forceps vers les élucubrations de la paire Raab-Kavanagh.
Mais bon, l’histoire se tient plus ou moins (malgré certaines grosses incohérences) et pourrait même s’avérer agréable si elle ne venait pas s’échouer de plein fouet sur un écueil de taille que les différents scénaristes avaient alors évité jusque là.
A savoir que cet arc nous présente un voyage dans le temps qui lie l’univers 2099 avec l’univers Marvel classique.
En effet, l’histoire dépeint la quête de Doom 2099 qui vient mener ses expériences à notre époque afin de créer un « vaccin » contre la nécro-toxine d’Herod et de l’injecter à la population latvérienne de 1996 dans l’espoir d’annuler leur futur génocide.
Ses actions attirent l’attention de Daredevil, Docteur Strange, Namor, des F.F. et du Doom de notre époque afin de fournir leur lot de confrontations bourrines aux lecteurs.
Au passage, on nous révèle que Doom 2099 est le fondateur d’Alchemax à notre époque, qu’un personnage du cast d’X-nation existait déjà en 1996 et survivra sans vieillir (gné?) et Moore en profite pour réintroduire le doute quant à l’identité du latvérien.
Après bien des pérégrinations voyant la destruction du vaccin, Doom revient en 2099 et s’aperçoit que certains latvériens ont survécus au génocide car ils sont les descendants des cobayes qu’il utilisa dans le présent.
Si les thèmes de la série sont bien là et si le pitch s’avère cohérent avec le personnage, les incohérences et le fan-service de l’histoire font qu’elle laisse un goût amer au lecteur.
Ce sentiment est d’autant plus fort que se construit en parallèle une sous-intrigue servant à mettre en place la prochaine étape (ou le prochain supplice) de l’univers 2099, étape sur laquelle nous reviendrons… dans la prochaine partie.
