
Pour la 1ère partie consacrée au scénariste James Robinson, c’est ici.
Paul Smith est un pur produit de ce que l’on nommait autrefois la contre-culture, un rebelle doublé d’un artiste, un vrai, à la fois cash, inconstant, perpétuellement insatisfait de son travail et avec une haute opinion (justifiée) de lui-même.
En bref, le cauchemar de tout editor normalement constitué d’une major de comics.

Smith est né le 4 septembre 1953 à Kansas City mais passa son enfance à déménager de ville en ville selon les affectations de son militaire de père.
Eternel nouvel arrivant dans les classes où il passe, il perd bien vite tout intérêt pour les études et se réfugie dans ses trois passions : la moto, la lecture de comics, particulièrement les Spider-Man de Steve Ditko, les oeuvres de Russ Manning et les Batman de Neal Adams, et la pratique du dessin.
Arrivé à l’âge adulte et résidant alors en Californie sans diplôme en poche, Smith se dit que le seul domaine où il pourra tirer son épingle du jeu est le dessin.
Il se dirige alors vers l’animation et devient membre du studio d’animation fondé par Ralph Bakshi.
Travaillant à la fois sur les storyboards et le design des personnages, il participe à la version animée semi-ratée du Seigneur des Anneaux et au très intéressant American Pop.

Bien qu’appréciant toujours les comics, l’idée de postuler chez un éditeur ne lui traverse pas l’esprit et il doit son entrée dans l’industrie américaine de la BD grâce à une amie qui, lors d’un voyage à New York, soumet ses dessins à Al Milgrom.
Ce dernier rentre en contact avec Smith et lui met le pied à l’étrier avec une histoire de Daredevil destinée à orner son anthologie Marvel Fanfare en 1982.
Il dessine ensuite un épisode d’Iron-Man, complète un arc des X-Men en Terre Sauvage paru dans Marvel Fanfare et… part faire un voyage en Europe en mode campeur-auto-stoppeur.
Quelle ne fut pas sa surprise en revenant, lors d’une escale à New York, de découvrir que les editors de Marvel se bousculent pour bosser avec lui.
Il accepte tout d’abord de travailler sur une mini-série consacrée au Faucon mais abandonne après un seul épisode (la mini sera complétée par Mark Bright et publiée seulement 2 ans plus tard).
Il faut dire qu’on vient de lui proposer de dessiner Doctor Stange, l’un des deux personnages de Marvel que ce fan de Ditko rêvait de reprendre.
Malgré cela, il ne reste que le temps de 2 épisodes puisqu’on lui fait alors la proposition la plus alléchante qui soit, dessiner Uncanny X-Men.

Bien que pas réellement fan de la série, Smith y voit là l’occasion de définitivement s’imposer sur le marché.
Choix judicieux puisque son run devient un classique regorgeant de moments mythiques, que son dessin est juste sublime et que 1983 est l’année où les mutants deviennent le titre numéro 1 des ventes de la compagnie.
Il dessine aussi en parallèle une mini-série X-Men/Alpha Flight mais, en raison des habituelles embrouilles entre Chris Claremont et John Byrne, cette dernière ne sera pas publiée avant 1985 en incluera de profonds changements pour être en continuité avec l’évolution des deux séries.
Il lâche cependant la série au bout d’une année pour retourner travailler sur le personnage de son cœur, Doctor Strange, non sans avoir d’abord fait un petit détour chez les indépendant pour dessiner une création de son cru, Mike Mahogany, croisement improbable entre Mike Hammer et Pinocchio.
S’il produit aussi sur Dr Strange un run qui rentre directement dans les annales, il ne s’entend cependant pas du tout avec le scénariste de la série, Roger Stern, les deux hommes ayant des vues diamétralement opposées sur le personnage.
Résultat des courses, il produit une autre histoire de DD pour Marvel Fanfare pour refermer la boucle et… entreprend un tour des Etats-Unis en moto en mode Easy Rider.

Quelque peu épuisé par le monde des majors, il tente alors de se tourner vers les indépendants et collabore avec deux créateurs qu’il admire sur certaines des meilleures séries des années 80: American Flagg d’Howard Chaykin et Nexus de Mike Baron.
Malheureusement, une fois encore son tempérament de feu et ses opinions bien arrêtées font qu’il se retrouve à nouveau en désaccord sur la direction prise par ces deux séries et notre homme repart faire le globe-trotter sur sa moto, quelque peu dégoûté par l’industrie des comics.
Durant ce nouveau voyage il trouve l’amour et songe sérieusement à s’installer avec sa nouvelle compagne et à enfin se stabiliser.
Désireux de s’acheter une maison et d’enfin avoir des revenus réguliers, il effectue son retour dans les comics de la manière la plus cynique possible en considérant, de son aveu même, ces derniers comme de la page à tomber vite fait pour encaisser son chèque.
Il recontacte alors Marvel en demandant qu’on lui confie n’importe quelle série du moment que ce soit un titre mutant.
La raison à cette condition? Car ce sont ceux qui paient le mieux.
Il effectue alors un run désenchanté sur X-Factor où il est de surcroît desservi par une publication alors bimensuelle et l’encrage ingrat de Milgrom.
Smith tient 6 numéros avant de jeter l’éponge honteux d’avoir compromis ses aspirations artistiques d’une telle manière.

Comme une punition karmique, c’est aussi le moment où sa copine et lui se séparent de la pire des manières possibles.
En pleine dépression, notre homme se cloître chez lui pendant presque 2 ans et se transforme en sofa potato « sédatant » son esprit à coup de programmes TV insipides.
Autant dire que la carrière de Paul Smith semble définitivement derrière lui lorsqu’il reçoit un coup de fil d’un jeune scénariste souhaitant travailler avec lui.
Cet auteur c’est bien évidemment James Robinson qui transmet son scénario, censé remettre en selle la Justice Society of America de DC Comics, accompagné d’un exemplaire de London’s Dark au dessinateur.
Bien que se souciant comme d’une guigne des personnages mis en scène dans The Golden Age et ne partageant pas tous les points de vue de Robinson sur l’histoire, Smith est conquis par la finesse psychologique de l’écriture du scénariste et par certains aspects qui lui rappellent les films de SF des années 50 qu’il regardait dans son enfance.
Surtout, Paul Smith sent bien qu’il tient là sa chance de revenir sur un projet à haute visibilité tout à la fois rémunérateur et artistiquement satisfaisant.
Il accepte donc de participer à cette mini-série consacrée aux membres de la JSA non sans négocier d’abord quelques points du scénario avec Robinson.
Mais nous verrons cela dans la dernière partie de l’article après avoir tout d’abord effectué un détour du côté de la carrière éditoriale chaotique de la JSA.

Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur cette partie de la carrière de Paul Smith, nous les renvoyons à l’interview menée par Patrick Marcel dans Scarce 28 et qui fut une source précieuse pour cet article.
1 : je serai très curieux de connaître tous les secrets derrière le cross Alpha Flight / X-Men,! Qui est une saga que j’adore !
2 : je suis curieux de voir les planches de The Golden Age. Voir si l’inactivité de Smith n’a pas joué sur la qualité de son dessin. Parce que Facteur X, c’était… Embarrassant…
3 : je suis curieux, mais très curieux de lire l’interview dans Scarce !
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