Blue Lines, Encres et Graphites, Strange Cultures

Adam Kubert, l’art de la narration explosive II

La Composition du mouvement dans la narration

Wolverine #90 - Cover
© Marvel Comics

Ce paragraphe fait suite au précédent en se concentrant ici sur le travail de composition du dessinateur.

Nous avions vu des séquences où le mouvement était décomposé, souvent sur un plan fixe.
Ici, nous allons voir comment Adam Kubert compose ses planches en utilisant ces mêmes plans fixes mais en les rythmant par des techniques narratives telles que le zoom ou le changement d’angle.
J’ai choisi de sélectionner certaines séquences de manière chronologique.
Cela permettra de voir comment le style du dessinateur et certaines de ses idées ont évolué pour aboutir à des compositions très pertinentes dans les cas qui nous intéressent.

Wolverine #78  possède deux exemples bien précis de compositions narratives dont l’une sera développée un peu plus tard.

numérisation0042
© Marvel Comics & Editions Semic

Nous avons ici une succession de cases où Logan fonce vers le lecteur.
Le mouvement est amplifié par la composition de la planche, qui possède des cases de tailles identiques.
De plus, le plan semble zoomer sur l’arrivée rapide du héros vers nous.
Vous constaterez que l’angle semble lui aussi en mouvement : le sol, le lampadaire n’ont pas le même axe; ce qui renforce la vitesse et le sentiment de chaos qui nous arrivent en pleine face.

Wolverine #90 possède plusieurs séquences reposant sur des compositions narratives qui utilisent le format particulier qui a fait l’originalité de ce numéro.
En effet, cet épisode utilise des pages dépliantes (allant jusqu’à 4), qui permettent de développer certaines idées ou de proposer des scènes qui restèrent longtemps en mémoire pour les fans.
Ainsi, la première page est en fait une double page qui représente un plan fixe où Kubert choisi de zoomer sur le personnage de Dents de Sabre.

wolverine 90 page 1
© Marvel Comics

Il existe donc 3 plans sur cette planche : le 1er étant Wolverine tenant son masque, qui disparaît progressivement au profit de Dents de Sabre.
Ce dernier qui était au second plan devient le 1er et accentue le jeu de miroir entre les 2 personnages.
Au 3ème plan, nous suivons l’interpellation de Linus Dorfman, (personnage qui apparaissait dans un numéro précédent, période Marc Silvestri).
Cette séquence n’est pas anodine puisqu’elle aura un rôle narratif bien plus tard.

Vous pouvez constater que la planche est une succession de cases s’agrandissant de la même façon que la « caméra » zoome sur Victor Creed.
La première case, qui possède les 3 plans cités, est cependant la plus petite.
Cet effet a pour but d’amplifier le gros plan sur le visage retourné du vilain.
Cette dernière case annonce déjà un conflit qui risque d’être violent!

La composition du mouvement fragmenté

(ou…comment trouver des titres qui claquent mais qui ne veulent pas dire grand chose!)

Derrière ce titre se cache une technique de composition qui veut démontrer que l’on peut donner du rythme à la progression d’un mouvement.
Ce rythme est décomposé grâce à des cases proposant un mouvement selon au minimum deux points de vue.

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© Marvel Comics & Editions Semic

Le mouvement des droïdes de combat est ici séparé par des cases mettant en scène les observateurs.
Cette construction de plusieurs cases successives permet une progression narrative et d’installer un sentiment d’urgence, de donner du rythme à la séquence.
Les droïdes et Logan sont face aux lecteurs.
Les premiers se dirigent vers Logan (nous), Wolverine quant à lui reste immobile et se prépare au combat.
Cette confrontation est entrecoupée des différentes réactions des X-Men, terriblement inquiets du danger que représente cet affrontement.

Notez qu’il y a six gouttières, qui amènent (inconsciemment?) à penser aux six griffes prêtes à sortir!

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© Marvel Comics & Editions Semic

Autre exemple d’une confrontation où l’un des protagonistes se dirige vers un adversaire immobile.

Les premières cases se focalisent sur Wolverine, qui introduit en quelque sorte la position de chacun dans ce face  à face.
En plus de l’avancée de Logan, un zoom progressif est amené.
Comme sur la planche où Logan, en moto, se dirige vers le Vampire, les angles différent sur les cases mettant en scène Logan.
Cela donne un mouvement supplémentaire, qui souligne l’hésitation de Maverick.
Ce dernier est systématiquement montré face à nous, avec un zoom progressif qui amène Logan sur le reflet du casque, accentuant l’arrivée de ce dernier et le danger imminent.

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© Marvel Comics & Editions Semic

Plus classique, puisque ne concernant que deux personnages, et reprenant le procédé vu précédemment, un face à face où le zoom effectué sur Logan correspond à la progression de la voiture.
Le visage de Logan sur la dernière case amène le lecteur à suivre la lecture vers la droite, et suggère que Logan va sortir du cadre pour échapper au chauffeur.

La symétrie narrative

L’autre composition, qui sera utilisée et développée chez Adam Kubert est la symétrie sur des actions « parallèles ».
L’exemple le plus représentatif est la poursuite entre le Vampire, Cylla et Logan dans Wolverine #78 (encore)

Wolverine 78 double
© Marvel Comics & Editions Semic

Cette séquence repose sur deux pages, à la symétrie inversée.
C’est à dire que la première débute sur une case verticale, montrant Logan au bas de la case.
Il faut se rappeler de la règle du sens de lecture :

Wolverine 78 double fleche
© Marvel Comics & Editions Semic

Les flèches indiquent le sens de lecture.
La première case débute sur les pensées de Wolverine, que l’on découvre monter la montagne.
Logan se déplace ensuite de gauche à droite, sortant du cadre, laissant sur la gauche une carcasse.
Cette dernière, toujours à gauche sur l’autre page, permet de suivre la progression du duo maléfique, tout en les faisant changer de direction, vers la droite, se trouvant pour le coup au sommet de la même montagne.

La temporalité se fait par le biais de la neige ayant recouvert la viande, mais aussi par la couleur et la position du duo qui semble montrer une progression plus rapide (et qui permet encore de sortir du cadre, pour donne renvie au lecteur de tourner la page!).

Cette « narration symétrique » sera couplée à la technique vue plus haut, à savoir le plan fixe zoomé dans un des passages de Wolverine #78.

wolverine 90 double
© Marvel Comics & Editions Semic

Là encore, la composition repose sur une symétrie qui prend tout de même en compte le sens de lecture.

wolverine 90 double fleche
© Marvel Comics & Editions Semic

La symétrie des plans étant en place, vous constaterez que les dialogues et le placement des bulles aident la lecture.
ils ne parasitent pas l’intention du dessinateur mais servent sa composition.
La première page voit donc les pensées de Logan passer de gauche à droite, permettant d’accentuer le regard de Logan vers la droite, guidant la lecture vers la page suivante.
Le procédé est identique sur la seconde page : les dialogues passent de droite à gauche, ce qui pourrait être contraire au sens de lecture, mais appuie le regard de Creed vers la droite, donnant des indications de lecture, mais aussi une ambiance et une action de danger à venir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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