Graphic Nuggets, On the Run(s), Red is the New Black

5/ Voodoo People (Daredevil 243 – 244)

DD 243
©Marvel Comics

C’est donc avec ce nouveau diptyque que Louis William fait ses adieux à la série.
La cadence mensuelle a eu raison du jeune dessinateur de 21 ans qui a multiplié les retards et n’a jamais réussi à assumer cette charge de travail, faisant de lui l’un des artistes à la carrière la plus météorique qui soit.

« Pendant que Karen et la police ont de plus en plus de mal à accepter la justice expéditive de Daredevil, le diable rouge est sur les traces d’un dealer haïtien, Danny Guitar, dont la drogue fait des ravages dans les rues de Hell’s Kitchen.
Sauf que DD n’est pas le seul à poursuivre Danny.
Ce dernier s’est en effet enfuit d’un culte vaudou et utilise leurs pratiques pour mener ses affaires.

La prêtresse du culte, Mambo, invoque une entité, le Nameless One, pour mettre fin aux activités de Danny.
Bien vite son chemin croise celui du protecteur de Hell’s Kitchen qui survit de peu à leur confrontation.

Le Nameless One ayant laissé le gant ensanglanté de DD chez Matt et Karen en guise d’avertissement, cette dernière part à la recherche de son bien-aimé en compagnie de l’inspecteur Bucko.
Nos protagonistes se retrouveront tous dans un entrepôt et même si Daredevil parvient finalement à battre le Nameless One, il ne peut l’empêcher de plonger Danny dans un état catatonique.
Le récit se conclue sur les retrouvailles de notre couple, DD réalisant qu’il existe d’autres formes de justice que celle des poings tandis que Karen comprend que les méthodes de Matt ne remettent pas en cause son sens moral.
La dernière case révèle qu’outre stopper les méfaits de Danny, Mambo voulait réunir les deux amants. »

DD 244
©Marvel Comics

Une nouvelle histoire avec encore une fois du bon et du moins bon et qui permet à Ann Nocenti de continuer à clôturer son aire de jeu tout en tentant de comprendre son personnage.
Si la scénariste continue à jouer avec certains de ses thèmes favoris comme la folie, le féminisme ou la confrontation des extrêmes, elle introduit ici l’opposition entre modernité et tradition, entre rationalité et mysticisme et le thème de la foi qui va occuper une bonne partie de son run avec John Romita Junior.

Il y a quelque chose de très 19ème siècle dans cette entrée du vaudou, ses croyances, ses superstitions dans le petit monde urbain de DD.
L’auteur joue du personnage de Danny Guitar, ce petit « paysan » monté à la grande ville et qui veut profiter de tous les plaisirs du monde moderne mais qui n’arrive pas à fuir les craintes et les superstitions du monde dans lequel il a grandi.
Le conditionnement (qu’il soit culturel, familial, génétique, social, scientifique, économique, scolaire…), ses traumas, les failles, les forces et les contradictions qu’il construit en nous ainsi que nos tentatives rarement couronnées de succès pour y échapper sont un élément central de son run qui traverse de nombreux personnages.
Karen Page, Hazzard, Dany Guitar, Brandy, Number 9, les Inhumains… tous sont renvoyés à ce qui les définis.
Et Matt Murdock lui même n’y échappe évidemment pas puisque quelque soit le chemin qu’il emprunte, il butte sur cet opposé vivant en lui : juriste, justicier, aveugle, super-héros, bon samaritain croyant, homme à femmes menteur et égoïste…

Ce coup-ci, c’est bien sûr sa fonction de justicier masqué qu’elle remet en question et même si le procédé de l’histoire est par endroit un peu lourd, le fait de confronter DD à la justice d’une culture différente ainsi qu’à l’inefficacité de ses poings permet à la fois de le rapprocher de Karen et de paver la voie vers un retour à sa vocation de juriste.
En effet, même si cela est maladroitement emmené, comment Murdock pourrait comprendre et juger le sens de la justice d’une culture étrangère ?
Et finalement, sa justice n’est elle pas tout autant « étrangère » pour la population américaine ?

DDvoodoo
©Marvel Comics

La scénariste commence aussi à s’approprier Karen Page en creusant sa peur de la violence mais aussi en lui donnant un tour plus pro-actif dans l’histoire qui va lui permettre à la fois de comprendre la violence du monde et lui donner l’envie de se battre à sa manière pour ce qu’elle aussi elle croit juste.
C’est d’ailleurs principalement une histoire de femmes, Karen et la manipulatrice Mambo, qui s’affrontent inconsciemment par le biais de leurs héros/hérauts et le clin d’oeil du nom du dealer haïtien au film Johnny Guitar n’est pas un simple hasard.

Le film de Nicholas Ray de 1954 a été écrit en sous-main par un scénariste « blacklisté » par la commission McCarthy et se pose encore de nos jours comme un chef d’oeuvre aux thématiques puissante puisqu’il traite du féminisme, de l’intolérance et de la volonté d’échapper à la spirale de la violence.
Si vous n’avez jamais vu ce classique porté par une sublime Joan Crawford, et depuis réhabilité et entré à la Bibliothèque du Congrès Américain,  nous ne pouvons que vous le conseiller.

Johnny Guitar
©Paramount Pictures

Malgré cela, ce petit arc n’a pas la maîtrise du célèbre western de Nicholas Ray.
La construction de l’intrigue, sa résolution et le cheminement intérieur des personnages sont encore une fois emprunts de raccourcis et de maladresses.
Autre point embêtant, la diarrhée verbale de la scénariste qui encombre les pages jusqu’à l’écoeurement.
Forcément, Nocenti qui écrit une histoire de vaudou c’est un peu comme lire du Jean-Marc DeMatteis ou du Chris Claremont sur le même genre de sujet.

Autant dire que la scénariste use et abuse de licences poétiques et autres métaphores en tous genres afin de créer une ambiance mais qui alourdissent considérablement l’histoire et assomment quelque peu le lecteur.
On reconnaîtra néanmoins qu’elle évite de partir dans l’ésotérique fumeux dont peut parfois se rendre coupable DeMatteis.
Ouf, et merci pour nos neurones!

Quand à la dernière prestation de Williams, elle est sans éclat, terne et les quelques traces d’imagination qui étaient présentent dans l’arc de Rotgut ont définitivement disparu.
Ce sont ces défauts qui font que même si il y a encore une fois des idées intéressantes derrière tout cela, le résultat ne fait pas encore mouche .
La route est longue est encore longue jusqu’à l’épisode 248 même si les pavés construisant le chemin deviennent de plus en plus beaux et originaux.

VoodooDD
©Marvel Comics

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