Graphic Nuggets, On the Run(s), Red is the New Black

8/ Scanners (Daredevil 247)

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©Marvel Comics

C’est avec cet épisode orné d’une jolie couverture de Charles Vess que Ann Nocenti referme la boucle de ce que l’on peut considérer comme le premier mouvement de son run puisqu’elle revient sur la Veuve Noire et le projet Reptile qui étaient déjà les protagonistes de son premier épisode sur la série (plus de détails ici).

Un autre sujet du projet Reptile, Crock, a été envoyé à la poursuite de la Veuve afin de l’éliminer mais, victime de sa propre folie, il erre depuis dans les égouts de New York.
La Veuve, toujours passablement traumatisée par son expérience avec Hazzard vient demander l’aide de Daredevil.
Les trois personnes vont donc s’affronter à la fois physiquement et mentalement en essayant de dépasser leur propres traumatismes.
A moins qu’ils ne se laissent submerger par eux?

Nous avons donc ici un négatif de son premier épisode de DD que la scénariste nous offre et qui nous permet de voir une direction commencer à naître après avoir posé les différents sujets qui l’intéresse dans le premier tiers de son run.

Crock
©Marvel Comics

On revient bien sûr encore une fois sur l’idée de conditionnement et la façon dont les expériences nous construisent et se gravent en nous pour le meilleur ou pour le pire.
Sauf que cette fois-ci l’auteur le fait littéralement avec le personnage de Crock, un super-agent bardé de câbles directement connectés à son cerveau.
Ces câbles rouges, bleus et blancs rappellent les pilules de Nuke et activent différents souvenirs douloureux chez Crock afin de diriger sa folie dans la direction souhaitée par ses supérieurs.

Sauf que son équipement est endommagé suite à sa confrontation avec la Veuve et qu’il est pris dans une spirale de flashbacks mémoriels tous plus douloureux les uns que les autres.
On plonge donc au fur et à mesure du récit dans ses différents traumas et ses expériences malheureuses avec les femmes.
La manière dont il s’est laissé submergé par des premières figures féminines castratrices lui ont d’ailleurs fait perdre son seul et unique amour.

La Veuve n’est pas mieux lotie puisqu’elle ne réussit pas à se remettre de sa culpabilité dans l’affaire Hazzard qu’elle rejoue elle aussi en boucle dans sa tête.

La personne la plus sûre d’elle au sein de notre trio est Matt Murdock qui va permettre aux autres de reprendre le contrôle non par la force de ses poings mais par le poids de ses mots et le partage de ses propres expériences.
On assiste donc aussi à des flashbacks du passé de Matt montrant comment il ne s’est pas laissé dompté par son environnement et a tracé son propre chemin sans renier ses traumas ou en les laissant prendre le contrôle mais en transformant les mauvaises expériences à son avantage.

« If you don’t beat a bad memory it will take swipes of you from your subconscious for the rest of your life. »
« But you’ve got to make the best of the memories you have, turn them around, purge them. Even the bad ones can power you in good ways… He never gave up in the ring. And he never gave up trying to make a better man out of me. »

« Si tu ne bats pas un mauvais souvenir, il prendra possession de ton inconscient pour le reste de ta vie. »
« Mais tu dois tirer le meilleur de tes (mauvais) souvenirs, les retourner, les purger. Même les mauvais peuvent te renforcer de la meilleure des manières… Il n’a jamais abandonné sur le ring. Et il n’a jamais abandonné d’essayer de faire de moi un homme meilleur. »

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©Marvel Comics

Nocenti renoue donc avec le « never give up » cher à Frank Miller et, par un jeu de ricochets, les paroles de DD vont résonner en Natasha puis en Crock qui vont accepter la main tendue et dépasser leur peurs pour les transformer en un sentiment porteur et positif.
Tout le contraire d’un Hazzard qui pleurait l’illusion de son rêve américain et qui ne parvenait pas à dépasser ses propres expériences traumatiques.

Graphiquement aussi c’est l’opposé de l’épisode de Barry Windsor Smith puisque cette histoire est dessinée par Keith Giffen dans un style complètement sous l’influence de José Muñoz (on y reviendra dans un autre article).
A la place des « statues grecques » des personnages de BWS, Giffen ne rend pas un résultat « beau » qui pousse le lecteur à se jeter sur son comic.
Mais la touche d’étrangeté qu’il donne au physique des protagonistes ainsi que son découpage serré et dense en gaufrier de 9 ou 6 cases convient parfaitement à l’histoire et renforce son impact.

Il faut aussi saluer au passage l’excellente prestation de la rarement mentionnée Christie « Max » Scheele qui a la charge des couleurs de la série depuis l’époque Miller (et continuera encore à prodiguer ses services durant les runs de John Romita Jr et Lee Weeks).
Sa palette assure une belle continuité sur plus d’une centaine de numéros et participe autant au look de la série que les couleurs éclatantes de Glynis Oliver sur les X-Men de Chris Claremont.
Ici, elle joue même de l’absence de couleurs sur les flashbacks d’où ne surnagent que des tâches rouges.

On peut faire un seul véritable reproche à cet épisode qui conclue une période où la scénariste s’est fait la main au gré d’expérimentations parfois hasardeuses.
C’est de finalement conclure cette histoire sur un suspense qui ne trouvera jamais de suite.

Les manigances du projet Reptile devaient être au centre d’un Marvel Graphic Novel de DD et la Veuve écrit par Nocenti et dessiné par Klaus Janson.
Malheureusement, pour des raisons d’emploi du temps, le projet sera maintes fois reporté avant d’être finalement enterré, à l’instar de la seconde mini-série Longshot de la scénariste.

Dommage !

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©Marvel Comics

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